Luçon était le bras droit de Barbin : l’ami, le protégé, le confident. Tout ce qui s’est fait pendant ce court ministère a été décidé en commun par ces deux hommes, souvent contre leurs collègues, parfois contre le maréchal d’Ancre. De cette action commune, Luçon, par la suite, n’a jamais rien désavoué. Après la chute du ministère, il écrivait dans un mémoire intime qu’il préparait en manière d’apologie : «… faudra mettre la défense de Barbin, mains nettes et courageux. » Barbin, d’autre part, avait en Luçon une confiance absolue. Il semble qu’il prenait plaisir à satisfaire les ambitions de son jeune ami. Il y mettait même de la rondeur et lui faisait, au grand émoi de ses collègues, attribuer, en vertu du rang épiscopal, la préséance sur les autres secrétaires d’Etat. Les lettres royaux associent l’évêque au vieux Villeroy, qui reste titulaire de la charge, « pour en faire la fonction et jouir des honneurs, pouvoir, autorité, prérogatives, privilèges et franchises appartenant à ladite charge, et office de secrétaire d’Etat et de nos commandemens, tout ainsi et en la même forme qu’en a ci-devant joui ledit sieur de Villeroy, pour avec lui, conjointement ou séparément, en la présence ou l’absence l’un de l’autre, faire, signer et délivrer toutes les lettres et autres expéditions concernant nos affaires tant au dedans qu’au dehors notre royaume. » En outre, par une innovation importante, la commission de Richelieu, étendant singulièrement les pouvoirs du nouveau ministre, lui confie dans les termes suivans l’administration de la guerre : « également en ce qui concerne l’ordinaire et l’extraordinaire de la guerre et toutes les autres fonctions qui dépendent de ladite charge et office. » Les « gages et entretenemens » étaient fixés à 17000 livres tournois. Dans les circonstances critiques que l’on traversait, un évêque ministre de la guerre, voilà qui prêtait aux criailleries des partis et notamment des protestans ! Mais cela témoigne aussi de l’extraordinaire confiance que ses protecteurs avaient en ce jeune homme qui n’avait encore rempli aucune fonction publique.
Jusqu’ici, il n’avait été, en effet, qu’un évêque zélé et un courtisan habile. La dignité épiscopale qui l’avait approché de la reine, lui donnait seule une sorte d’autorité. Le maréchal d’Ancre eût désiré le voir renoncer à son diocèse pour le tenir tout à fait. Mais Luçon, par une première méfiance, refusa de se démunir ; il consentit seulement à se défaire de sa charge d’aumônier de la reine régnante qu’il céda bientôt à Miron, évêque d’Angers.
Cette même dignité épiscopale lui assurait, de prime abord, la confiance des catholiques. Le nonce se louait beaucoup de lui au début, vantait ses vertus, son dévouement, sa piété ; le pape l’accablait d’éloges, de faveurs, de bénédictions. En revanche, les