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LA DOCTRINE DE MONROE
ET
LE CONFLIT ANGLO-AMERICAIN

Le président Cleveland n’était pas en fort bonne odeur auprès des chauvins des États-Unis, quand, le 15 décembre dernier, il revint à Washington, d’une excursion de quelques jours pendant lesquels il était aller chasser le canard sauvage. On ne lui pardonnait pas de certains côtés de n’être pas resté pour tirer un plus gros gibier. Depuis des semaines ou même des mois, le différend chronique entre l’Angleterre et le Venezuela avait pris, tout au moins dans l’opinion du public américain, un caractère aigu. Si les deux parties s’étaient trouvées dans un tête-à-tête rigoureux, la difficulté qui envenime depuis tant d’années les relations des deux pays, aurait pu, à leur gré ou selon l’effet du hasard, traîner indéfiniment en longueur comme ci-devant ou aboutir, par l’emploi de la force, à une rapide solution. C’est bien ainsi qu’on l’entendait et qu’on n’a pas cessé de l’entendre à Londres. Lord Salisbury a repris et mené la conversation avec le gouvernement du Venezuela, comme s’ils étaient seuls au monde et seuls intéressés au règlement de leur conflit. Il y a, Dieu le sait, assez de temps que cette controverse se perpétue entre les deux États. Elle est même plus ancienne que leur existence sur le sol américain. L’Angleterre, quand elle s’empara de la Guyane hollandaise à la fin du siècle dernier, hérita du litige engagé par Leurs Hautes Puissances les États-Généraux avec l’Espagne dont le Venezuela a recueilli la succession. Pendant longtemps on laissa aller les choses, en se contentant de part et d’autre d’interrompre la prescription par des actes conservatoires. Un fonctionnaire colonial, d’origine néerlandaise, sir Robert Schomburgk, fut chargé en