Das Leben Friedrich Nietzsche’s, par Mme Foerster-Nietzsche, Tome I. — Friedrich Nietzsche’s Schriften und Entwürfe (1869-1876), 2 vol. (Leipzig, librairie Naumann).
Parmi tant d’images effrayantes ou lugubres où se complait à présent la fantaisie des jeunes dessinateurs d’outre-Rhin, copiant, imitant, variant de toute façon la Danse des Morts d’Holbein et les sombres poèmes de Dürer, je ne crois pas qu’on puisse rien trouver qui égale en profonde et tragique horreur une grande planche publiée par la revue berlinoise Pan au frontispice d’une de ses dernières livraisons. Ce n’est pourtant qu’un portrait, et conçu évidemment sans aucun parti pris d’exagération symbolique. L’auteur, M. Kurt Stœving, y a simplement représenté tel qu’il le voyait devant lui, assis sur un banc, au fond d’un jardin, un homme d’une quarantaine d’années, tête nue, les mains croisées sur les genoux. Mais il n’y a pas jusqu’au geste des doigts, trop longs et trop effilés, il n’y a pas jusqu’à la pose du corps, à la fois inquiète et abandonnée, qui n’achèvent de donner a l’ensemble de ce portrait un caractère inoubliable, obsédant et douloureux comme le souvenir d’un cauchemar. Le visage est pâle, déformé, usé, — dirait-on, — par de longues années de lutte intérieure. Les sourcils froncés, les narines relevées, les lèvres, serrées sous l’épaisse moustache tombante, expriment une méfiance mêlée d’angoisse ; tandis que, sous un front d’une hauteur et d’une largeur démesurées, les yeux regardent fixement dans le vide, deux yeux de bête, immobiles et sans pensée, des yeux qui ne voient pas et qui ne comprennent