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Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 135.djvu/161

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Un chanteur accompagnait la danse de sa voix et de sa phorminx, et deux danseurs, quand le chant commençait, bondissaient au milieu du chœur. »

Des textes nombreux et quelques monumens figures nous dépeignent pareillement la carole. C’était, comme la danse homérique, une chaîne, ouverte ou fermée, qui se mouvait au son des voix et (plus rarement) d’instrumens très simples. Comme la danse homérique, un coryphée la menait, celui ou celle « qui chantoit avant », une femme d’ordinaire, cette conductrice de la carole irrévérencieusement comparée par les sermonnaires à la génisse qui marche en tête du troupeau, faisant sonner sa clochette ; le maître du bétail, c’est le diable qui se réjouit quand il l’entend retentir, et dit : nondum vaccam meam amisi. La danse allait de droite à gauche, comme l’indique, entre autres témoignages, ce calembour d’un prédicateur : « La carole est un cercle dont le centre est le démon et omnes vergunt in sinistrum, et tous tournent à gauche (ou tendent vers leur perte). » Elle consistait en une alternance de trois pas faits en mesure vers la gauche et de mouvemens balancés sur place ; « un vers ou deux, chantés par le coryphée, remplissaient le temps pendant lequel on faisait les trois pas, et le refrain, repris par les danseurs, occupait les temps consacrés au mouvement balancé. » Ainsi, de ce partage d’action entre le soliste et le chœur, naissait le couplet de carole, dont voici la forme essentielle, le rondet :


Le soliste, puis le chœur.
Compaignon, or du chanter,
En l’onor de mai !
Le soliste.
Tout la gieus sor rive mer…
Le chœur.
Compaignon, or du chanter !
Le soliste.
Dames i ont bals levez,
Mout en ai le cuer gai…
Le chœur.
Compaignon, or du chanter
En l’onor de mai !


Et le lecteur remarquera que ce rondet de carole est exactement un triolet moderne ; en sorte que le triolet, le plus arbitraire, semblait-il, et le plus conventionnel des entrelacs de rimes,