Prescrites le 4 septembre, elles pouvaient, dès le dimanche suivant 11, donner au pays un gouvernement légal. La guerre et la marche de l’ennemi n’étaient pas une raison de les suspendre, mais de les hâter. Plus on redoutait que les envahisseurs voulussent, en s’opposant aux votes sur les territoires occupés par eux, empêcher la constitution d’un régime régulier, plus il était essentiel de l’établir avant qu’on fût à la merci de leur bonne volonté. Le 4 septembre ils avaient pénétré dans sept départemens, le 11, ils en occupaient dix. Ce jour-là il leur était loisible de faire obstacle au vote dans la neuvième partie du territoire : même amoindrie de cet élément, la représentation de la France restait assez complète pour que son autorité morale fût entière. Le temps laissé à la nation eût été court, mais suffisait. La longueur des périodes électorales est une habitude des temps calmes où rien ne ramenant les esprits à l’unité, ils se dispersent sur des questions secondaires et multiples, et ne se décident, par l’industrie des meneurs, qu’entre des idées qui leur sont étrangères et des hommes qui leur sont inconnus. À ce moment une question unique et intelligible à tous était posée : la paix ou la guerre. La période électorale était ouverte depuis nos premiers désastres. Ils étaient assez grands pour éveiller cet instinct de la conservation qui est la plus sûre intelligence des multitudes, grandit avec le péril, et, dans les crises où il y va de l’existence, révèle au peuple les chefs les plus dignes. Enfin eux-mêmes se seraient libérés de l’effroyable responsabilité. Mais pour un tel résultat ils n’avaient pas un jour à perdre. Dès le dimanche 18, les Allemands entoureraient Paris, s’étendraient sur tout le nord-est de la France, maîtres d’interdire les élections dans une portion importante du territoire, maîtres d’empêcher que les élus de la capitale et les élus des départemens pussent se joindre et délibérer ensemble. A dater de ce moment l’existence d’une autorité légale ne serait plus subordonnée à la seule volonté des Français mais au bon plaisir de l’envahisseur. Voilà ce qu’il était facile de voir, ce qu’il fallait saisir du premier coup d’œil. Le libre arbitre du régime nouveau sur l’affaire la plus essentielle qu’il eût à résoudre ne s’étendait pas par-delà son avènement : ne pas décider les élections ce jour même était s’exposera ne les pouvoir plus faire, et l’on était dans une de ces circonstances où ce qui est différé est perdu.
Mais parmi les hommes du 4 septembre, ceux mêmes qui entendaient consulter le pays répugnaient, à l’interroger trop vite et ne voulaient pas réduire à cette interrogation leur passage aux affaires. Deux préoccupations dominaient en eux. D’abord ils ne voulaient pas que le souci d’un gouvernement à créer détournât