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mains et de son autorité et de celle de ses commissaires et officiers, et aura la justice, comme il a été toujours pratiqué. » De cette assignation elle devait entrer en jouissance aussitôt que son douaire aurait lieu, soit qu’elle demeurât en France, soit qu’elle se retirât ailleurs.

Louis XIV, on le voit, faisait bien les choses. Quant à Victor-Amédée, il en était quitte, comme il avait été convenu dès l’origine, pour fournir un fardel, « soit trousseau ou présent de noces », lequel devait être estimé. Le montant des notes qui ont servi à cette estimation se trouve aux Archives de Turin ;[1] il s’élève à 53 905 francs. La note la plus forte est celle du fournisseur de linge et dentelles qui se monte à 24 210 francs, puis celle du fournisseur d’étoffes brochées, à fond d’or et d’argent, glacées d’or et d’argent, qui atteint 13 160 francs. La toilette, en or et argent, avait coûté 9 538 francs. Les jupes brodées 2 750 francs. La note du cordonnier pour escarpins ne s’élevait qu’à 106 francs et celle de l’emballeur à 350 francs. C’était un trousseau convenable, mais qui n’avait rien de somptueux. L’état délabré des finances savoyardes ne permettait pas à Victor-Amédée de faire mieux les choses. Quelques années plus tard, lorsqu’il mariait sa seconde fille au roi d’Espagne, il lui constituait un fardel dont l’estimation s’élevait à 101 390 francs, c’est-à-dire à près du double.

Toutes choses étant ainsi en règle, le projet de contrat de mariage ayant reçu l’approbation de Louis XIV ; et les pouvoirs de Tessé pour signer en son nom, ainsi qu’au nom de Monseigneur et du duc de Bourgogne, qui dataient du début de la négociation, c’est-à-dire de trois ans, ayant été renouvelés, il n’y avait plus qu’à prendre jour pour la signature du contrat. La date en fut fixée au 15 septembre, et le lendemain 16, peu s’en fallait que Tessé n’embouchât la trompette pour rendre compte au roi de la cérémonie. « Ce jour-là, Sire, lui écrivait-il[2], est un grand jour à Turin… » et après quelques préliminaires il entre ainsi en matière : « Entre dix et onze du matin, les princesses se sont rendues à l’appartement de Madame la Duchesse où M. le duc de Savoye s’est trouvé, poudré et avec un bel habit. Madame Royalle estoit parée de tout ce qu’elle a de pierreries. Madame la Duchesse l’estoit non seulement de sa joie indicible, mais d’assés de diamans, et Madame la Princesse Adélaïde l’estoit de toutes celles de la maison de Savoye. Je puis assurer Vostre Majesté qu’elle estoit bien de bonne grâce et qu’elle s’est acquittée de ses devoirs avec une facilité dont j’ai été surpris. Mme la Princesse de Carignan et tout de suite au moins

  1. Arch. Turin. Matrimonii della Real Casa.
  2. Aff. étrang. Corresp. Turin, vol. 97. Tessé au Roi, 16 sept. 1696.