cent dames parées estoient dans la chambre, et toute la Cour, qui avoit quitté le deuil pour ce jour cy, estoit aussi parée que chacun le pouvoit estre. »
En ce superbe accoutrement, l’assistance commençait d’abord par se rendre à la messe. Tessé, qui venait d’être récemment nommé écuyer de la princesse, faisait pour la première fois fonction en cette qualité, et il eut l’honneur de lui donner la main pour la conduire. À la sortie de la messe, deux huissiers se tenaient à la porte de la chambre de la duchesse Anne, et ne laissaient pénétrer que les hauts personnages désignés pour assister à la cérémonie, à savoir : les princes, les princesses, le nonce, les ministres, le chancelier, le marquis de Dronero, l’archevêque de Turin et les dames d’honneur des princesses. « Son Altesse, continue Tessé, estoit entre le Nonce et moy. Le marquis de Saint-Thomas a leu le contract de mariage. Les Saints Evangiles ont été apportés, auxquels Mme la princesse a touché dans les endroits du contract de mariage où il en est parlé, comme pareillement j’y ai touché dans ceux où on me les a présentés. Après quoy l’on a signé dans l’ordre que Vostre Majesté trouvera. Je voudrois de tout mon cœur que Vostre Majesté eût pu voir cette jeune princesse faire ses révérences, et signer hardiment, modestement et dignement. » La cérémonie terminée, les portes furent ouvertes, et il n’y eut ni grand ni petit qui ne fût admis à baiser la main de la princesse. L’enthousiasme gagnant, l’embrassade devint générale. « Pour moy, Sire, disait Tessé en terminant son récit, j’avoue que rien ne peut mieux ressembler à la confusion d’une joie excessive que de voir cent femmes et plus de deux cents hommes s’entrebrasser, et se donner mutuellement touttes les marques extérieures d’une véritable satisfaction. Il estoit près de trois heures quand cette cérémonie a finy. » Le soir même, Tessé tenait table ouverte et donnait à dîner à tout ce qui voulait bien venir chez lui. Jusqu’à une heure avancée de la soirée, sa maison était obsédée de carrosses, de visites et de mendians, au point qu’il était obligé de se retirer dans une maison étrangère pour écrire sa dépêche.
Restait à régler une question délicate dont Tessé trouvait moyen de se tirer avec son adresse ordinaire. Ne convenait-il pas que le marquis de Saint-Thomas, qui n’avait pas seulement préparé le contrat de mariage, mais qui, pendant trois ans, avait été mêlé d’une façon efficace aux négociations préliminaires, reçût de Louis XIV quelque témoignage de munificence ? À peine arrivé à Turin, Tessé s’était préoccupé de cette question. « J’ai tourné le marquis de Saint-Thomas de tous les sens possibles,