allumés en plein milieu des salles envahies du rez-de-chaussée, tandis que sans relâche retentissait le même cri : « Romano, Romano lo volemo o Italiano ! » Seul, le vieux Tibaldeschi dormait au milieu du tumulte et ronflait assez fort pour être entendu à travers les cloisons de sa cellule.
Vers le matin, les membres du conclave crurent que le calme allait se rétablir et commencèrent à dire paisiblement leurs heures ; mais pendant qu’ils assistaient à la messe, un tocsin éloigné se fit entendre du côté du Capitole. Déjà les cardinaux se troublaient, le célébrant lui-même perdait contenance, quand tout près deux, les cloches de Saint-Pierre entrèrent en branle, remplissant le conclave de leurs voix auxquelles se mêlaient d’horribles clameurs. Un serviteur, envoyé sur le toit, vit un spectacle terrifiant : la place était couverte de monde ; des gens accouraient encore par les rues qui y convergeaient ; d’autres avaient forcé la porte du campanile de Saint-Pierre, et tout en haut, au-dessus de la statue de l’apôtre, un homme, cramponné à la croix, agitait un chaperon rouge.
Dans la chapelle, les cardinaux s’efforcent de garder l’apparence du calme et d’écouter le discours d’ouverture du prieur des évêques, Orsini, archevêque de Florence ; mais dans son trouble, l’orateur ne trouve plus ses mots. On frappe au guichet : c’est l’évêque de Marseille qui, du dehors, insiste pour que l’on donne satisfaction à la foule dont les hurlemens retentissent à travers la porte du conclave. Il faut se hâter, car le danger s’accroît. « Plutôt élire le diable que mourir », dit entre ses dents le cardinal d’Aigrefeuille. À quoi bon tarder d’ailleurs, puisque, en fait, le choix de la plupart des cardinaux est déjà fixé et qu’il est conforme aux vœux des Romains ? « Tenez-vous tranquilles, » crie Orsini par le guichet ; « demain, avant tierce, vous aurez un pape romain ou italien. » Mais la foule surexcitée devient plus exigeante ; c’est tout de suite qu’elle le veut. « Tenez-vous en paix, reprend Aigrefeuille. Je vous promets que vous l’aurez avant la fin du jour, » et, sur l’heure, après une rapide discussion, tandis que les conclavistes mettaient en lieu de sûreté les rares objets de valeur apportés au Vatican par les cardinaux, 15 voix sur 16 se prononcent pour Barthélémy Prignano, archevêque de Bari. Avant de proclamer le nouveau pape, il ne restait plus qu’à connaître l’acceptation de l’élu.
Mais, comme dans toutes les émeutes, les exigences du peuple croissaient d’heure en heure. Le choix d’un Italien ne lui suffisait plus : il lui fallait un Romain, et il le lui fallait immédiatement. Les prieurs des cardinaux, appelés encore une fois au guichet par