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Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 135.djvu/655

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II

« Le schisme d’Occident, dit quelque part Dœllinger, eut pour cause des intérêts purement nationaux. Le choix de Robert de Genève n’avait pas d’autre motif que le désir de maintenir le saint-siège et la cour romaine dans la possession exclusive de la nation française, sur le sol de la France et sous l’influence prépondérante du gouvernement de ce pays. » Telle est, jusqu’à présent, l’opinion reçue parmi les étrangers ; il est difficile qu’elle subsiste après la lecture du livre de M. Noël Valois. L’annulation de l’élection d’Urbain VI et le choix de son successeur ont été faits, non dans un intérêt national, mais dans l’intérêt personnel des cardinaux et par eux seuls. Ils n’ont pas eu pour but de ramener la papauté sur le sol français, car Clément VII ne visait d’abord qu’à s’emparer de Rome pour s’y substituer à son adversaire. Il ne pensa même à gagner Avignon que lorsque, voyant ses troupes battues à Marino, son alliée, la reine Jeanne, détachée de lui, il comprit qu’il n’y avait plus pour lui de séjour possible en Italie. Quant à la France, ni la nation, ni le roi n’auraient songé d’eux-mêmes à faire invalider l’élection de Barthélémy Prignano.

On a souvent prétendu que Charles V avait exercé une action sur les cardinaux pour les détacher d’Urbain VI. En réalité l’action s’exerça en sens inverse : le souverain français a subi l’influence des informations venues d’Anagni ; si l’élection du 8 avril n’avait pas été contestée, il ne se serait pas plus séparé du pape de Rome qu’il n’avait cherché à empêcher le retour d’Urbain V et de Grégoire XI au tombeau des Apôtres. Comment, d’ailleurs, n’aurait-il pas penché vers le parti du sacré-collège, quand les propres électeurs d’Urbain VI lui donnaient à entendre que l’élection n’était pas valable, et quand l’un des envoyés du nouvel élu, Pierre de Mûries, agent secret des cardinaux, tenait lui-même un pareil langage ? Mais si sa conviction fut bientôt faite, il n’eut garde de l’imposer ni même de la déclarer tout d’abord. Il laissa la nouvelle de l’élection du pape italien se répandre en France où elle fut accueillie sans aucune apparence de contradiction. L’Université de Paris fit chanter un Te Deum ; des actes publics émanés de l’entourage du roi furent, jusqu’à la fin de juillet 1378, datés du pontificat d’Urbain VI, et quand, sortant de sa réserve, Charles donna d’indubitables marques de faveur à l’assemblée d’Anagni, son peuple eut quelque peine à le suivre. Des velléités d’opposition se manifestèrent dans plusieurs