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des difficultés de tactique, un peu semblables à celles que rencontre, dans l’Allemagne du Nord, l’Eglise évangélique.

Envers le Très-Haut et les bonnes mœurs, le Palatinat est correct. Sur cent naissances il n’en a guère que six d’illégitimes ; c’est plus honorable que dans tout le reste de l’empire (Prusse rhénane et Westphalie exceptées). Le contact de deux confessions égales en force y maintient à une certaine hauteur, dans l’une et dans l’autre, le thermomètre de la piété ; c’est à Spire, en 1529, que les réformés se baptisèrent protestans ; fidèles à ce grand souvenir, ils sont en train d’y construire un temple, l’église de la protestation ; motif de plus, pour les catholiques, de fréquenter assidûment leur cathédrale.


Croyans ou incroyans, pratiquans ou indifférens, affaiblis par l’éparpillement ou fortifiés par la densité des groupemens, on comptait en bloc, dans l’empire, en 1890, 31 026 810 protestans et 17 674 921 catholiques. La statistique distinguait, par surcroit, un certain nombre de sectes reposant, comme le protestantisme lui-même, sur les maximes du libre examen et de la justification par la foi, mais détachées de l’église officielle, tantôt, comme les frères Moraves, parce qu’elles n’y trouvaient point l’aliment rêvé par leur ferveur, et tantôt, comme les freireligiösen, parce que la confession établie opposait des barrières à leur radicalisme panthéiste. De la géographie religieuse, ces sectes ne relèvent point ; elles sont comme noyées parmi la masse des membres inscrits de la confession protestante et de la confession catholique. Nous les étudierons comme une expression schismatique de l’individualisme protestant, mais sans nous exagérer la portée de leur rayonnement. Le protestantisme, le catholicisme, et la libre science (freie Wissenschaft), voilà les trois forces essentielles qui se disputent la conscience allemande. Des deux premières, nous avons évalué le domaine ; apprécier la troisième ne sera point affaire de géographie ou de statistique. Sur le caractère religieux ou irréligieux de la libre science, sur l’alliance ou sur l’hostilité que la religion doit attendre d’elle, les théologiens de la Réforme sont en désaccord. Etudier ce désaccord, ce sera déterminer les positions respectives du protestantisme et du rationalisme.


GEORGES GOYAU.