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le négus lui-même, s’il est du Choa. Les contingens ainsi levés se portent au point de concentration générale qui leur a été indiqué par l’empereur. L’armée se trouve alors constituée. Donc, en septembre de l’année dernière, Ménélik, se décidant à résister aux Italiens, lançait, à la date du 20, « l’appel aux armes, au nom de la patrie et de la foi ». Il s’adressait aux gouverneurs du Choa, dont il est le souverain direct, comme on le sait, ainsi qu’à ses grands vassaux et tributaires, habitués avenir, chaque année, camper tour à tour à Addis-Ababa, la capitale, pour apporter les impôts recueillis et les tributs ordinaires. Ces vassaux sont : Tekla-Haymanot, roi du Godjam ; le roi de Djinima ; le ras Makonnen, vice-roi du Harrar ; le ras Mangacha, fils de l’empereur Jean et petit-fils de l’empereur Théodoros, gouverneur du Tigré ; le général Guébré-Esguère, gouverneur du Léka, le pays des mines d’or ; le ras Mikael, gendre du négus, né musulman, mais converti dès l’enfance, et aujourd’hui vice-roi du pays des Ouollos-Gallas ; le ras Welé, frère de l’impératrice ; le ras Aloula, chef le plus populaire de l’Ethiopie ; le ras Welda Ghiorghis ; le dedjaz Gabayou, etc.

L’appel du négus, — en Europe, on dirait « l’ordre de mobilisation ». — prescrivait à toutes les forces du premier ban de se réunir au lac Ascianghi le 6 octobre suivant. Malgré l’étendue de l’empire et le manque de routes véritables, environ 150 000 hommes ont pu être rassemblés dans les délais fixés. Tous les Européens résidant dans le pays ont constaté le zèle et la promptitude avec lesquels les ordres de Ménélik ont été exécutés. Durant la concentration, les sentiers étaient partout remplis de soldats se dirigeant vers les lieux de réunion. Il en venait, avec leurs chefs, des provinces les plus éloignées. Tout cela marchait à la file indienne, couvrant des centaines de kilomètres de chemin, avec des milliers de mulets chargés de vivres. Les femmes accompagnaient leur mari et faisaient le service réservé en Europe à l’intendance. On peut dire que, en cette occasion, Ménélik a été aussi bien obéi par ses vassaux que n’importe quel roi de France, d’Angleterre ou de Castille le fut jamais par ses barons.

Au commencement de 1896, Ménélik était dans le Tigré, avec quatre-vingt mille hommes au moins, barrant la route au général Baratieri. Mieux encore, par prévoyance, il avait placé de forts détachemens au Harrar, ainsi qu’aux frontières de son empire, et envoyé une puissante colonne contre les musulmans Dankalis de l’Aoussa, qui avaient pris parti pour les Italiens. Enfin, à l’intérieur, il lui restait les milices du deuxième ban, — des centaines