Si la grisaille hivernale et normande de M. Tattegrain est plus qu’excusable, j’ai de la peine, je l’avoue, à me faire aux grisailles carthaginoises de MM. Thivier et Surand, illustrateurs de Salammbô. Que leur lumière est pauvre ! Que leur atmosphère est triste ! Et nous sommes en Afrique ! Le Défilé de la Hache, d’un parti pris jaunâtre, qui fit connaître M. Buffet, en 1894, semblerait chaleureux à côté de cette calme froideur. Ce n’est pas que ces deux toiles, très soignées, soient insignifiantes : chez M. Thivier, la disposition est dramatique, et les figures, bien posées et bien dessinées, n’y sont pas rares ; dans ce rythme atténué, d’ailleurs, l’harmonie est trouvée. Chez M. Surand, les divers morceaux, plus sèchement détaillés, se combinent avec plus d’embarras, trahissant des réminiscences trop diverses. Certains groupes, comme celui des éléphans, sont étudiés avec conscience et force. M. Surand avait débuté par des hardiesses de coloriste qu’il nous faudrait regretter si ses progrès comme compositeur et comme dessinateur devaient l’y faire renoncer. Une tristesse plus accentuée encore dans la lumière, et des timidités presque constantes dans une exécution laborieuse compromettent beaucoup aussi l’effet définitif de Germanicus retrouvant, sur le champ de la défaite, les squelettes et les reliques des légions de Va rus. La scène est disposée sans nouveauté, suivant les traditions scolaires, mais M. Lionel Royer montre, dans quelques figures, des qualités réelles de dessinateur qui, pour être académiques, n’en sont pas moins utiles et dont le mépris n’a point porté bonheur, en ces dernières années, aux écoliers trop vite émancipés de la rue Bonaparte.
Certes, nous voyons avec joie nos jeunes peintres, émus par toutes les trouvailles inespérées qui, depuis vingt ans, à Tanagra, à Athènes, à Olympic, à Delphes, ont fait de nouveau resplendir le génie hellénique, dans sa variété la plus surprenante et sa grâce la plus familière, porter de nouveau leur imagination et leurs études vers la divine Grèce, car nous pouvons espérer qu’ils y retrouveront, avec le goût de la beauté simple et saine, le goût aussi de toutes les fortes ou tendres couleurs, de toutes les vives ou fines clartés. Dans la couleur et la clarté, les nuances sont infinies, mais toute couleur réjouit l’œil et toute clarté ranime l’âme. Nous avions bien le droit d’attendre le soleil sur la route tournante de l’Acropole où se déroule, au pied du Parthénon étincelant, la procession des Panathénées, dans la Fête antique, de M. Buffet. Le soleil, en effet, s’y montre, mais c’est un soleil encore mal nettoyé, et qui se dégage avec quelque effort de cette atmosphère jaunâtre dont certains archaïsans anglais et