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Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 135.djvu/929

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représente aussi une scène de bain, toute moderne malgré le titre, témoigne d’une connaissance plus exacte de l’entourage naturel. Les nudités, souples et chastes, juvéniles et élégantes, sans aucune des maigreurs ni des pauvretés à la mode, s’y mêlent, en d’heureuses attitudes, à des figures de jeunes filles habillées. Il est regrettable que l’exécution de cette charmante composition soit, pour le coloris, incertaine et terne. Les progrès du jeune artiste s’y affirment, dans le dessin et le style, d’une façon remarquable ; les baigneuses ne sont pas Grecques, mais le sentiment est presque antique. Parmi les adorateurs de la beauté plastique, M. Gorguet est évidemment l’un de ceux qui professent pour elle le culte le plus élevé et le plus pur, et qui sait le mieux composer un groupe. Je ne trouve la même vérité, dans la grâce, ni chez M. Lalyre, ni chez M. Paul Leroy, ni chez M. Tapissier, dont les groupes féminins ont pourtant du mérite. Il est vrai que tous ces artistes, comme M. Bouguereau, dans sa Vague, et M. Gérome, dans sa Vérité, ont cherché la beauté idéale, et que plus hardis que ces maîtres, ils ne se sont pas contentés d’une figure isolée ; on doit leur en tenir compte.

Nous aimons trop, nous connaissons trop aujourd’hui les champs et les bois pour nous faire à ces paysages conventionnels dont nos portraitistes décorateurs, Largillière, par exemple, accompagnaient leurs figures réelles, lorsqu’ils prétendaient encore les placer dans un milieu exact. Si on nous peint les gens en famille, nous les voulons vraiment en famille, dans leur logis vrai, dans un paysage vrai. On regarde, aux Champs-Elysées, quelques morceaux agréables dans ce genre, Une Conversation entre Amis dans un atelier, par M. Morisset, la Loge de Mlle Yvette Guilbert, par M. Alberti, et, dans de plus grandes dimensions, l’Échec et Mat de Mlle Beaury-Saurel, Loin de Paris de Mme Delacroix-Garnier etc… Je rangerais volontiers dans la même catégorie, en y voyant un bon exemple de ce qu’un esprit délicat et poétique peut ajouter de charme à un ensemble d’images réelles par l’ingénieuse adaptation du paysage, la grande toile, un peu trop grande, d’une tonalité grise et assourdie, très délicatement nuancée, de M. Paul Steck, Tendre automne. Le jeune homme assis au pied de l’arbre qui s’effeuille, la jeune mère qui s’avance vers lui, avec un geste heureux, la fillette portant une grosse gerbe de fleurs, pressée contre sa mère, sinon les trois autres jeunes femmes, au fond de la prairie, qui s’effacent dans l’ombre tombée, toutes ces figures familières semblent bien des portraits et des portraits d’êtres aimés. Une sorte de mélancolie aimable, dans le recueillement du crépuscule et les décolorations de