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l’arrière-saison, plane sur cette scène familiale qu’elle poétise et ennoblit.

La toile décorative que M. Lucien Simon au Champ-de-Mars intitule la Peinture semble aussi une réunion de portraits. Près d’une fenêtre largement ouverte sur la perspective d’un village, au bord d’un lac, un peintre, assis devant sa toile, a pour modèle, modèle indocile et agité, un baby que sa mère s’efforce de tenir à la pose, sur ses genoux, tandis qu’une jeune fille, debout entre eux, cherche à amuser l’enfant. La silhouette attentive de l’artiste travaillant dans l’ombre, les silhouettes mouvementées des jeunes femmes, en robes claires, se découpant sur les clartés de la campagne lointaine, ont fourni au peintre l’occasion de noter des oppositions ou des rapprochemens lumineux, d’une délicatesse bien observée. Si l’exécution générale n’est pas soutenue, d’un bout à l’autre, avec la résolution qui caractérise les œuvres définitives, et si même l’on pourrait désirer plus d’éclat en certaines parties, la toile n’en reste pas moins charmante par son accent sincère et naturel. C’est de ce côté, à notre avis, que M. Lucien Simon, artiste très bien doué, mais encore inquiet et tâtonnant, ferait bien de porter son principal effort, car c’est, jusqu’à présent, dans ces groupemens de figures familières, qu’il s’est montré le plus personnel. Une inquiétude du même genre que celle qui trouble M. Lucien Simon, l’inquiétude propre aux intelligences ouvertes et curieuses, toujours prêtes à comprendre les manifestations les plus diverses, dans le présent comme dans le passé, ne cesse d’agiter M. Blanche. Nous aurions tort de nous en plaindre, car c’est souvent avec un vrai charme qu’il nous a fait partager, par ses réminiscences heureuses, son enthousiasme éclectique pour les maîtres anglais, flamands, hollandais, français, dont les charmes divers l’enivrent tour à tour. En nous montrant, dans la campagne, le vaillant paysagiste norvégien, Fritz Thaulow, rubicond, jovial, heureux, en blouse d’été, devant sa toile, avec sa femme et sa fillette derrière lui, tenant entre ses genoux son dernier baby, M. Blanche pense au maître de la clarté et de la santé, au grand Pierre-Paul, à Rubens : on peut avoir de plus mauvaises pensées. Le groupe est vivant et charmant, avec des morceaux vils et hardis, d’une fraîcheur exquise, comme le baby rose, habillé de rose, et le bon visage rose, tout épanoui, du peintre. L’accord avec le paysage, comme chez M. Simon, est parfait ; il n’y manque de même qu’une décision plus soutenue dans l’ensemble. Combien de peintres autour de MM. Simon et Blanche, à qui l’on pourrait adresser ces éloges et exprimer ces regrets ! Il faut de la curiosité, de la variété, du dilettantisme, si l’on veut ; pas trop n’en faut, cependant ; sinon une heure arrive, parfois bien vite, où l’esprit médiocre et