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résonnantes, étaient presque rigoureusement simples. Les dissonances les plus hardies y passent inaperçues,


Et jusqu’à je vous hais tout s’y dit tendrement.


Entrant dans des développemens qu’on ne peut rapporter ici, Helmholtz a tiré, de cette définition nouvelle des consonances, la théorie des accords, de la gamme et d’un grand nombre de règles jusque-là inexpliquées de l’harmonie. Mais, avec cet esprit hautement philosophique qui est la vraie caractéristique de son œuvre tout entière, il a eu grand soin d’expliquer que ces accords, ces gammes sont de simples matériaux fournis par la sensation auditive au génie esthétique de l’homme, lequel peut, à son gré, choisir parmi eux les élémens nécessaires à ses œuvres.

Les anciens, les Grecs, par exemple, n’admettaient point la musique à plusieurs parties. Ils demandaient à sept modes mélodiques différens la variété d’expression nécessaire. A partir de la Réforme et de la Renaissance, le chant en commun des psaumes de Luther, des messes de Palestrina, imprime à l’art une direction différente, et l’harmonie prend naissance. Des sept modes grecs, deux seulement, le mode ionien et le mode lydien, se prêtent aux combinaisons nouvelles ; il en sort notre mode majeur et notre mode mineur. L’art nouveau correspond à un état de civilisation, à « un état d’âme », où le calme, la pureté, la sérénité, la majesté, la grandeur tranquille apparaissent comme les attributs mêmes de la perfection. Dans la musique, la consonance est la règle, à laquelle les dissonances font rarement exception. Au XVIIe siècle, Lulli chante Atys et Armide sur ce mode paisible. Cet art nouveau atteint son apogée à la fin du XVIIIe siècle avec Handel, Haydn, Gluck, Mozart. Puis l’orage gronde, les passions se soulèvent, les nuances délicates s’effacent, les sentimens tumultueux bouillonnent heurtés dans la grande âme de Beethoven. Reprenant sur le piano les hardiesses sublimes de Bach sur le clavecin et l’orgue, Beethoven abandonne peu à peu la gamme naturelle pour la gamme tempérée. Il l’impose aux voix et à l’orchestre, auquel il communique une puissance, une variété inouïes jusque-là. La dissonance commence à prendre le dessus, et se multiplie dans ses œuvres. Ses successeurs vont plus loin encore.

Aujourd’hui, enfin, dans l’évolution qui s’annonce, c’est la gamme chromatique qui paraît l’emporter ; la tonalité, la consonance, le rythme lui-même, semblent s’effacer devant la dissonance et la richesse de l’instrumentation pure. La musique que