silhouettes variées et expressives, se coordonnent heureusement entre eux ; l’artiste a tiré bon parti des types historiques et des costumes pittoresques qu’il a consciencieusement étudiés ; l’ensemble, très supérieur au groupe principal, a de l’animation et de la force ; c’est, en somme, non seulement l’ouvrage le plus important du Salon, mais un ouvrage très estimable et qui fait honneur à M. Theunissen.
Lorsqu’on veut ressusciter des figures du XVIe siècle, soit en marbre, soit en bronze, il est bien naturel, en ce dernier cas surtout, qu’on se souvienne des beaux exemples légués par la Renaissance même, notamment des effigies impériales et royales, si justement célèbres, conservées encore à Inspruck et à l’Escurial.
C’est aux œuvres de ce genre qu’a pensé M. Mac-Monnies, le sculpteur américain, en modelant sa statue en pied de Shakspeare, pour la bibliothèque Natlé, de Washington. M. Mac-Monnies s’est inspiré d’un portrait contemporain qui nous montre le poète déjà mûr, un peu épaissi et alourdi par les ans, grassouillet et fort chauve. C’est un homme arrivé, un auteur à son aise, très cossu, richement nippé, ayant perdu, d’ailleurs, le souci juvénile de distinction et d’élégance. Un cahier dans une main, dans l’autre un crayon, il semble, comme plus tard Buffon, avoir révolu ses plus beaux habits pour déployer son plus beau style : hauts-de-chausses à crevés, souliers à bouffettes, manteau de brocart épais et brodé comme une chasuble, haute collerette empesée. Tout cet attirail, d’un grand prix, est ouvré avec luxe et scrupule. La toilette est d’un prince, la tête est d’un bourgeois bienveillant et lin ; l’image est sans doute d’une exactitude scrupuleuse, elle est exécutée avec talent. On y voudrait sentir un peu plus de flamme shakspearienne.
Ce Shakspeare de M. Mac Monnies, restitué par une inspiration bien informée et respectueuse, nous offre, tout au plus, un Shakspeare vraisemblable. Que ne donnerions-nous pas pour posséder, mieux encore, pour avoir sous les yeux, un Shakspeare vrai, sculpté par un contemporain, par un naturaliste, par un ami ! Cette bonne fortune, qui a fait défaut au plus grand des poètes anglais, n’aura pas manqué, heureusement, à quelques-uns de nos illustres contemporains, surtout à nos peintres. La mémoire de Meissonier est assurée par les fidèles images de Frémiet et de Mercié ; celle de Paul Baudry l’est désormais par la statue, si exacte et si puissante, de M. Gérome qui va se dresser sur une place de La Roche-sur-Yon. Le peintre de l’Opéra, petit et bien râblé, tête nue, dans son costume d’atelier, veston court et grosse pèlerine, se présente, debout, une main dans la poche,