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395 millions de marks pour l’Allemagne, mais qui apparaîtrait bien plus forte si l’on ne considérait que les résultats des six derniers mois de l’année. Le mouvement s’est d’ailleurs largement accentué dans les cinq premiers mois de 1890, période dans laquelle l’accroissement des importations et exportations réunies dépasse déjà un demi-milliard de francs.

Les résultats du commerce extérieur des autres nations de l’Europe occidentale et centrale ouvriraient sous la variété des aspects accidentels la même orientation générale de mouvement. Quant aux chiffres d’ensemble pour toute l’Europe, ils ont, énoncés en valeur monétaire, atteint leur apogée une première fois entre 1881 et 1884, une seconde en 1890 et 1891. Il y a eu fléchissement depuis 1891 jusqu’en 1894, et une vive reprise s’est produite à partir du milieu de 1895. Si l’on ne consultait que le volume ou les quantités, on trouverait partout, depuis quinze années, un accroissement, plus lent ici ou accéléré là, mais continu.

L’Angleterre, la France et l’Allemagne, qui sont les trois grands pays riches du monde, achètent toujours plus à l’étranger qu’ils ne lui vendent. L’excédent de leurs importations sur leurs envois est considérable. Il atteint 6 milliards de francs en 1895. Si la théorie de la balance commerciale avait, en ce qui les concerne, la moindre signification, ces pays devraient être depuis longtemps ruinés. S’ils n’ont cessé de s’enrichir, c’est que, seuls fournisseurs industriels, au moins jusqu’en ces derniers temps, du reste de l’univers, ils sont par-là même, et pour des sommes énormes, ses créanciers. L’excédent d’importations qu’ils absorbent n’est que la représentation en marchandises — c’est-à-dire en richesses vraies — des intérêts annuels que leur doivent les pays, pauvres d’espèces, auxquels ils ont prêté.


IV

L’agriculture n’a point eu part jusqu’ici au bénéfice de la reprise des affaires. Elle continue à exhaler des plaintes par tous les organes dont elle dispose : sociétés départementales, régionales ou nationales, et groupe agricole au parlement. Le 4 décembre 1895 au sénat, le 28 du même mois à la chambre, au cours du débat sur le budget du ministère de l’agriculture pour 1896, nombre d’orateurs ont dépeint sous les couleurs les plus sombres la situation de l’agriculteur français. L’un d’eux a mis le gouvernement en garde contre le péril que « la grande abandonnée ne devînt la grande désespérée. » Un autre a rappelé qu’en 1894, le prix du