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Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 136.djvu/762

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demander un jour de congé pour les écoliers, ce qui lui fit tout pardonner. C’était surtout par sa bonne grâce et son esprit qu’elle plaisait, plus encore que par son agrément extérieur. Il est même évident que la première impression n’avait pas été très favorable. On aura remarqué la froideur avec laquelle, dans sa première lettre datée de Chambéry, s’exprimait Desgranges. La duchesse du Lude ne montrait pas beaucoup plus d’enthousiasme : « La princesse de Savoie, mandait-elle à Torcy, est d’une figure aimable, bien faite dans sa taille, et j’ose espérer qu’elle plaira au Roy[1]. » Dangeau ne se montrait pas moins réservé : « La princesse m’a paru fort aimable, écrivait-il de son côté[2], je ne reviens point sur ce chapitre de peur d’en dire trop. »

Le bruit s’était même répandu à Versailles qu’elle n’était pas jolie : « On nous mande, écrivait Mme de Maintenon à Mme de Berval, que la princesse de Savoie, quoique laide, ne déplaît pas[3]. » Ce ne fut que peu à peu qu’une rumeur plus favorable s’éleva en sa faveur et devança son arrivée. Les lettres de Dangeau firent beaucoup pour cela. Presque à chaque étape il écrivait soit à Torcy, soit à Mme de Maintenon. Ce qu’il faisait surtout valoir c’était sa bonne grâce, son esprit de repartie, l’à-propos avec lequel elle savait répondre à toutes ces harangues officielles, tirant toujours quelque chose de son fond. À chaque réception son enthousiasme va croissant : « Notre princesse, écrivait-il de Lyon[4], n’a point été embarrassée de tous ces honneurs qu’on lui a rendus à Lyon… Attendez-vous à voir une princesse très aimable par son aspect, par son humeur, par ses manières. Plus nous la voyons, plus la bonne opinion que nous avons d’elle augmente. » Et quelques jours plus tard : « Elle est fort enfant, mais avec beaucoup d’enfance elle fait voir bien du bon sens et de l’esprit, de la douceur et de la vivacité… Elle ne parle qu’à propos et est pleine d’égards et de considération. »

Desgranges lui rendait un témoignage non moins flatteur, mais un peu différent : « On continue à dire mille choses sur la douceur, la docilité et touttes les bonnes qualités de la princesse. Pour moy je persiste toujours à dire que ce n’est point une enfant de onze ans ; c’est une femme raisonnable, bonne à mettre aujourd’huy en mesnage. Les petites réponses sérieuses aux complimens qu’on lui fait coullent de source et ne luy sont assurément pas suggérées[5]. »

  1. Aff. étrang. Corresp. Turin, vol. 95. La duchesse du Lude à Torcy, 16 octobre 1696.
  2. Ibid. Dangeau à Torcy, 17 octobre.
  3. Lettres édifiantes, t. I, page 464.
  4. Aff. étrang. Corresp. Turin, vol. 95. Dangeau à Torcy, 20 octobre 1696.
  5. Ibid. Desgranges à Torcy.