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symphonies, et surtout des dernières œuvres de Beethoven, a été le fruit d’efforts longs et opiniâtres, familiarisés avec elles aujourd’hui, nous avons entendu de nos jours de tels déchaînemens de sonorités, nous avons subi des compositions si nébuleuses et si impénétrables que le maître nous semble maintenant toujours mélodique et très facilement intelligible. Mais en nous reportant à l’époque où ses œuvres se produisaient, en pensant à ce qui se faisait alors, on comprendra les préventions qu’elles soulevèrent. A raison des difficultés d’exécution qu’elles présentaient, elles étaient d’ailleurs considérées comme impossibles à débrouiller. La virtuosité de nos instrumentistes et l’étude approfondie à laquelle ils se sont appliqués, nous a facilité l’intelligence de ces ouvrages. C’est le talent accompli et le goût d’artistes tels que Maurin et Chevillard qui ont révélé à l’Allemagne elle-même les derniers quatuors du maître, et plus d’une fois nous avons pensé à l’indicible satisfaction qu’eût éprouvée le grand compositeur s’il lui avait été donné d’entendre ses belles œuvres symphoniques interprétées par un orchestre comme celui du Conservatoire.


V

Désormais les grandes choses étaient dites, et du vivant de Beethoven la symphonie fut quelque temps délaissée par les compositeurs. Après ces œuvres, où il avait mis le meilleur de son génie, il semblait impossible de découvrir des voies bien nouvelles, et la plus simple prudence commandait de ne pas se hasarder sur un terrain où le maître régnait sans partage. Quelques musiciens de talent essayèrent cependant de réagir au nom du goût classique et de la correction contre des tendances qu’ils jugeaient dangereuses et contraires aux saines traditions de l’art. Mais sans être déjà appréciés à leur valeur par le public, les derniers ouvrages de Beethoven faisaient paraître plus fades encore les productions froides et compassées de ses successeurs. L’Allemagne, du reste, n’était guère disposée alors à goûter avec le recueillement nécessaire des créations d’un ordre supérieur. Après avoir été envahie par nos armées, elle cherchait dans la littérature comme dans l’art des manifestations qui répondissent d’une manière plus directe à ses aspirations présentes. Les écrits de ses philosophes et de ses poètes, les chants enflammés que Kœrner publiait sous le titre significatif : la Lyre et l’Epée, s’accordaient mieux avec son état, avec son ardent et légitime désir d’indépendance.

Dans ces conditions, l’apparition du Freischütz sur la scène de Berlin, en 1821, devait être un événement, et l’opéra de Weber