enseigne dans le sens de sa propre éducation. C’est ce qui arriva pour David. Tous ses élèves copiaient le profil de la jambe de Romulus, de Tatius. (Ceci m’a été conté par M. Belloc, l’éminent directeur de notre Ecole municipale de dessin.)
Or, l’ensemble seul donne le vrai, et le donne dans son harmonie.
Le danger qu’il y a encore pour l’artiste de trop copier l’antique, c’est qu’il y perd le sens de sa propre tradition. Et, pour un Français, surtout, il n’est rien de plus nuisible que de l’oublier.
A vrai dire, l’Empire y poussait. Un seul homme, une seule époque dans l’histoire, rien avant, rien après, c’était le rêve de Bonaparte.
De la France du passé, plus de nouvelles ! Géricault racontait avoir vu les élèves de David jouer à la balle contre un Lebrun.
Je n’en fais certes pas le maître responsable ! je note seulement le fait, comme une expression du caractère du temps. Raphaël était à peine toléré, il n’y avait que mépris pour Rubens, Rembrandt, etc.
Ce même dédain de ce qui avait précédé se retrouve, du reste, dans les modes et l’ameublement de l’époque. C’est un changement universel. La ligne de vie par excellence, la ligne courbe, onduleuse, semble à jamais abolie, proscrite. Le sec, le rigide et sa froideur, en tout prédominent.
Ce genre nouveau avait sans doute le mérite du bon marché. En cela, il convenait à l’ascension des classes auxquelles le luxe coquet de l’ancienne école était inaccessible.
Mais les riches, quelle raison avaient-ils de la délaisser ? S’il fallait à leur inconstance autre chose que l’adorable Louis XV qui, dans le meuble, s’inspire des courbes de l’arbre qu’il emploie ; ou l’élégant Louis XVI, pourquoi empruntera l’élément tudesque, ou à l’élément anglais, bizarrement bariolé de trois choses, aristocratique, marchand, puritain ?
Puisqu’on décidait de biffer tout ce qui appartenait à notre art national, sans doute pour faire accroire qu’il n’avait jusque-là produit rien de bon, il eût été plus naturel, plus logique, de recourir à l’art grec, j’entends le vrai, celui qui, à travers les siècles, a toujours servi l’inspiration.
Qui veut le bien juger, ne doit pas s’en tenir au secondaire, mais remonter à la réelle antiquité, celle qui sut interpréter la vie, la rendre dans toutes ses manifestations, pour l’avoir étudiée, non seulement en soi, mais encore autour de soi.
Or, David, en dehors de la nature humaine, ignora, méprisa ces manifestations dans les êtres que notre orgueil qualifie, à tort, d’inférieurs.