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nécessaire à la bonne marche des affaires que celui des whigs et des tories au parlement anglais. Il est exact de dire, comme Talleyrand le remarquait déjà à la fin du XVIIIe siècle dans son rapport à l’Académie, que les États-Unis se composent de plusieurs tranches de civilisation : de même que, dans la formation géologique du globe, les couches de terrain se stratifient les unes au-dessus des autres, de même les États occidentaux de l’Union, venus plus tard au monde, représentent, à mesure qu’on avance vers les Montagnes Rocheuses, des organisations plus jeunes qui se superposent successivement. A la base du pays se trouvent les communautés de l’Est, qui ne datent pas de la déclaration d’Indépendance, mais qui furent déjà constituées au XVIIe siècle par d’excellens élémens venus d’Europe et forment encore aujourd’hui l’assise la plus solide de la confédération. Si un antagonisme parfois violent met aux prises ces élémens disparates, il ne s’en est pas moins formé un lien solide entre eux : la conscience de la grandeur nationale a développé leur patriotisme, et l’exalte même dans certaines circonstances. Il faut d’ailleurs pardonner aux Américains le superlatif qu’ils emploient si volontiers en parlant de leur pays. Sans même tenir compte de la rapidité avec laquelle le grand œuvre humain s’accomplit chez eux, on ne peut s’empêcher de reconnaître que les créations de l’homme y atteignent, en bien des cas, des proportions qui justifient les épithètes admiratives. Il semble qu’elles aient été taillées à la mesure de ces lacs qui sont de véritables mers intérieures, et autour desquels se développe avec le plus d’intensité la vie industrielle et commerciale du pays.

La nature a été prodigue pour ce continent. Les chutes du Niagara surpassent celles que nous connaissons dans le reste du monde ; les richesses minières de toute sorte y sont incalculables. Après la découverte des gisemens aurifères du Transvaal, les États-Unis sont encore au premier rang parmi les producteurs d’or : ils en fourniront près de 250 millions de francs dans l’année 1896. Leur extraction d’argent, quoique la baisse du métal ait forcé nombre de mines à suspendre leur exploitation, est encore la plus considérable de toutes. Une seule de leurs mines de cuivre, l’Anaconda, en produit 60 000 tonnes par an, c’est-à-dire le cinquième de la consommation de l’univers, et l’ensemble de la production cuprifère américaine en représente à peu près la moitié. Les couches de charbon y abondent au point que beaucoup d’entre elles ne sont pas exploitées, soit parce que le combustible y est de qualité inférieure, soit parce que l’éloignement des voies de communication ou des centres industriels ne permet pas une concurrence fructueuse avec d’autres gisemens mieux situés. Nulle