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Asklépios, comme tout ce vieux fonds de divinités orientales importées en Grèce, est un dieu arcadien. Il y a, nous dit Cicéron dans son traité De natura deorum, trois Esculapes : l’un, fils d’Apollon, arcadien ; le second, frère de Mercure, qui est enterré à Cynosure ; on montre le sépulcre et le bois sacré du troisième en Arcadie, non loin du fleuve Lousios. A Thelpousa, auprès de la triple déesse et du sanctuaire d’Apollon Onkeiatès, se trouvait le temple d’Asklépios enfant et le tombeau de sa nourrice Trygon. Cet Asklépios était uni par les liens d’une étroite parenté avec le dieu phénicien Echmoun. Comme Echmoun, qui était aussi adoré sous les traits tantôt d’un enfant, tantôt d’un nain grotesque, Asklépios était un dieu guérisseur. Il avait pour symbole le serpent enroulé autour d’un bâton, frère du serpent d’airain que Moïse érigea dans le désert et dont la vue sauvait de la mort. Les Grecs savaient la parenté des deux divinités : sur l’inscription trilingue d’un autel en bronze, trouvé à Pauli-Gerrei en Sardaigne, et consacré à Echmoun par le directeur des salines en souvenir de sa guérison, Echmoun est rendu en grec par Asklépios et en latin par Ascolapios. Le dieu qui meurt pour renaître est en même temps le dieu qui guérit et le dieu sauveur.

Tous ces traits, les Grecs les ont condensés dans la figure d’Hermès, le plus grec de tous les dieux et le plus populaire peut-être, avec Aphrodite et Adonis, parce qu’il est le plus humain. Hermès est le grand intermédiaire entre les dieux et les hommes ; c’est lui qui a inventé l’écriture et l’a donnée aux Égyptiens ; suivant une autre tradition, il a apporté en Arcadie les lettres que Cadmus avait données aux Béotiens. Il est aussi le messager infernal, qui conduit les âmes dans le royaume des ombres ; il est le dieu du sommeil et de la mort, mais en même temps, comme Asklépios, il est le dieu du caducée ; comme Héraklès, avec lequel il présente tant de points de contact, il est le dieu sauveur, invoqué comme tel par la piété des fidèles. Il est le ministre des dieux, le dieu de la prophétie et de la divination, le héros, l’ange de Perséphoné, l’ange par excellence, qui règne dans le ciel, sur la terre et dans les enfers. Il joue un rôle analogue à celui de l’ange de Jéhovah, qui a lui aussi son bâton, avec lequel il touche l’oblation et y met le feu.

Le symbole d’Hermès par excellence, le caducée, est bien fait pour nous éclairer sur l’origine de son culte. On connaît la légende qui a enroulé les deux serpens autour du bâton de Mercure ; l’art lui a donné sa consécration ; mais si nous nous reportons aux plus anciens monumens de l’art grec, nous y voyons un caducée sans serpens, formé de l’entrelacement de deux