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qu’il avait la certitude de ne pas être admis à concourir ; à son père, qu’il faisait d’activés démarches pour faire lever l’interdiction qui brisait sa carrière ; mais, un an après, il écrivait à Valat :

« Bien que je fusse très mal noté, je pense qu’on ne m’aurait pas refusé une lettre d’examen ; je n’ai fait absolument aucune démarche, et c’est ce que je te prie de tenir très secret, car papa croit que je me suis épuisé en sollicitations. »

Comte n’était pas véridique, et il serait imprudent, dans les grandes comme dans les petites choses, de regarder ce qu’il affirme comme absolument certain.

Auguste Comte trouvait dans l’enseignement des mathématiques, au prix de trois francs l’heure, un peu moins quand on marchandait, le moyen, comme il l’a dit plus tard, de satisfaire ses goûts principaux. Son enseignement, très élémentaire, n’exigeait aucune préparation, il conservait du temps et de la liberté pour des études, pour des méditations, surtout, sur la philosophie et l’économie sociale. Le métier de maître au cachet, sans lui paraître insupportable, ne pouvait lui convenir longtemps ; il fit plusieurs tentatives pour en sortir ; l’une d’elles, racontée par Littré, sans aucun doute d’après le récit de Comte, nous montrera de nouveau ce que valent les assertions de sa correspondance.

« Rien, dit Littré, ne pouvait être plus éloigné du caractère d’Auguste Comte que la position de secrétaire de quelque personnage. Il se décida cependant à entrer en cette qualité auprès de Casimir Perier. Les idées de Casimir Perier et d’Auguste Comte ne concordèrent pas. Quelques observations qu’il fut appelé à faire comme secrétaire sur les travaux de l’homme politique ne furent pas goûtées ; la rupture s’ensuivit au bout de trois semaines, et le futur ministre et le futur philosophe se séparèrent assez peu contens l’un de l’autre. »

Comparons ce récit avec les confidences de Comte à Valat. « Ah ! j’oubliais une chose ; en te parlant du passé, j’ai négligé de faire mention d’une carrière dans laquelle on voulait me faire entrer et que j’ai dédaignée bien vite après y avoir jeté un coup d’œil. C’était une charge de précepteur dans une grande maison, c’est-à-dire de premier esclave de monsieur, de madame et de leur progéniture. Le bon général Campredon avait combiné cela, et fort heureusement que les personnes ont changé d’avis, car j’aurais été obligé d’accepter pour ne pas faire de peine au général, sauf à donner ma démission au bout d’un mois. Le papa était député, et, à la charge de précepteur, j’aurais joint l’entreprise des discours prononcés à la tribune nationale par