à celle qui déplace le pôle, l’axe du pouvoir oriental s’éloignait du Bosphore et perçait plus haut l’écorce terrestre ; la variation religieuse, qui avait commencé de donner le schisme byzantin, allait librement se poursuivre en milieu slave ; le dédoublement de l’Europe était consommé.
Comme il devait arriver, l’imagination populaire s’est exercée sur ce fait politique, elle l’a conté à sa manière. La légende ne s’arrête pas à Byzance et remonte jusqu’à Babylone. « Le brave Borma-larychka, affrontant les dangers d’un long voyage, traversant un désert mortel aux créatures vivantes, atteignit une fois la ville de Nabuchodonosor ; il la trouva gardée par un fabuleux serpent sept fois enroulé autour d’elle. Une échelle miraculeuse mit Borma-larychka au sommet du rempart ; il atteignit les tombeaux d’Ananias, d’Azarias et de Miçaila, les trois jeunes hommes autrefois brûlés vifs par le roi ; là une voix souterraine l’appela vers la cachette qui contenait les régales… Le tsar voulait le récompenser, mais Borma-larychka était une grande âme ; il ne demanda d’autre faveur que de boire gratis à sa soif pendant trois années dans tous les cabarets de la ville. » Le singulier de la fable est comme Byzance disparaît de la mémoire du conteur ; on reconnaît ici la tendance simpliste par laquelle l’intelligence populaire rattache l’histoire russe directement à l’histoire sacrée et met le baptême des Kiéviens tout de suite après l’assomption de la Vierge. Mais l’histoire de Borma-larychka est particulièrement suggestive ; elle expliquerait tout ce qu’il y eut d’oriental dans la puissance des premiers tsars et le règne vraiment babylonien d’un Ivan le Terrible.
Le chapeau du Monomaque servit invariablement, pendant plusieurs siècles, au rite du couronnement. On montre encore au Palais des Armes cette coiffure étrange, conique, au bourrelet de fourrure, aux sept cloisons émaillées et rehaussées de pierres ; sur une terminaison hémisphérique s’implante une croix ornée de rubis et de perles baroques.
Le sceptre et le globe parurent pour la première fois au sacre de Boris Godounof ; puis les choses se maintinrent jusqu’au temps de Pierre le Grand ; un changement radical survint alors dans les traditions. L’empereur de Russie, successeur du tsar moscovite, dut se vêtir désormais du manteau d’hermine et non plus de la barme surannée ; le cordon de Saint-André s’attacha à ce manteau ; la couronne, l’épée, le sceau, l’étendard, le sceptre, le globe devinrent les attributs du pouvoir.
Toute variation en matière rituelle restant à jamais difficile même pour un souverain et pour un pontife, une circonstance