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Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 138.djvu/853

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V

La défaite du Piémont entraîna la restauration des grands-ducs de Toscane, de Parme, de Modène, et bientôt après la reddition à merci de la Sicile.

La restauration du grand-duc s’opéra par l’action spontanée des Toscans. Le gouvernement républicain, à travers les violences, avait abouti à la dictature de Guerrazzi ; c’en était trop. Une insurrection constitutionnelle s’organisa (11 avril). Gino Capponi, le chef de la résistance, fut conduit au Palazzo Vecchio par le peuple, Guerrazzi emprisonné, le grand-duc rappelé à la condition qu’il respecterait le Statuto, conserverait la bannière tricolore, préserverait le pays du malheur de l’invasion étrangère. Le grand-duc promit ce qu’on lui demanda. « Voilà, s’écria la grande-duchesse, l’occasion perdue d’une bonne Restauration. »

Il ne restait plus debout en Italie que Venise et Rome. Venise, abandonnée dans ses lagunes par le Piémont vaincu, par la France impuissante, par l’Angleterre égoïste, ne s’abandonnait pas elle-même, et, le drapeau royal abaissé, se défendait avec acharnement sous la bannière républicaine de Manin. Rome gémissait entre les mains de Mazzini, soumise aux visites domiciliaires, aux réquisitions, aux insolences de toutes sortes de la secte.

A défaut de l’intervention piémontaise, le mieux eût été d’attendre, à Rome, une réaction intérieure, semblable à celle qui venait de délivrer la Toscane. La République romaine était encore moins viable que la République toscane. Conduite par un homme aussi inexpérimenté des arts d’Etat que l’était Mazzini, elle se serait écroulée bien vite sous sa propre incapacité[1]. Mais personne ne consentait à laisser agir le temps, et l’impatience d’une solution immédiate était générale. D’une part les mazziniens aux abois sollicitaient les révolutionnaires français d’accourir et de défendre à leur profit, par les armes, le principe de non-intervention. D’autre part le Pape insistait pour qu’on laissât arriver les Autrichiens. Si nous ne les avions pas devancés, ils prenaient possession du centre de l’Italie, d’où ils l’auraient dominée tout entière. Cette perspective n’inquiétait pas la Cour de Rome, qui se fût considérée comme mieux sauvegardée par les troupes de Radetzky et d’Haynau que par les nôtres. Mais un gouvernement français n’eût-il pas trahi un de nos intérêts permanens, en supportant une aussi menaçante prépotence ? L’Italie

  1. Gioberti, Rinnovamento civile. — « E ancorchè la spedizione francese non avesse avuto luogo egli sarebbe precipitato. »