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Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 138.djvu/855

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la politique italienne dans une pensée ultérieure d’affranchissement. Aussi ne puis-je assez m’étonner de la légende qui fait de l’expédition romaine un complot clérical organisé par Falloux. Tant que le Président ne vit à une intervention que les raisons spéciales à Falloux, il s’y refusa malgré les insistances de son insinuant ministre. Il ne s’y décida que lorsque l’intérêt permanent de la France et ses idées humanitaires la lui conseillèrent. Telle qu’elle fut conçue, l’expédition romaine est son œuvre, œuvre de progrès, de civilisation, d’amitié envers l’Italie.

Ses ministres clairvoyans ne s’y trompèrent pas. « Le Président voulait cette intervention plus que moi et avant moi, dit Odilon Barrot, seulement par d’autres motifs que les miens[1]. » « Ne vous méprenez pas sur l’expédition romaine, disait Falloux à Louis Veuillot. Le Président l’a faite contre l’Autriche et non pour la Papauté. Il garde sur le pouvoir temporel les traditions de famille et les sentimens de sa jeunesse[2]. » Le fond de l’observation est vrai, avec cette nuance cependant que le Président était plus convaincu que l’insurgé de 1832 de la nécessité d’assurer au chef de la catholicité la possession indépendante de Rome.

Son parti pris, le Président n’attendit pas les résultats de la conférence européenne réunie à Gaëte. Il lit demander un crédit pour l’envoi de troupes à Civita-Vecchia. Une majorité de gauche et de droite le lui accorda, mais par des motifs différens. Aussi les explications des ministres restèrent forcément vagues. La réalité pourtant ne l’était pas. Dès qu’on n’allait pas à Rome pour soutenir la République romaine contre l’attaque imminente des troupes étrangères, on y venait pour y entrer soi-même et la rendre au Pape. Ne fut trompé que qui voulut l’être. Ledru-Rollin et ses amis ne le furent pas. Jusqu’à la un ils employèrent leurs efforts pour empêcher le vote du crédit.

Le général Oudinot débarqua à Civita-Vecchia le 24 avril. S’il « ‘était avancé promptement vers Rome le même jour, on lui en aurait ouvert les portes avec joie. Il se crut obligé de notifier son arrivée et d’attendre la réponse. Cela donna le temps à Garibaldi d’entrer dans la ville à la tête d’une troupe formée des réfugiés de toutes les parties de l’Italie et même du reste de l’Europe.

Le 30 avril, Oudinot se décide à se présenter sous les murs de Rome. Il connaissait si peu le terrain sur lequel il opérait qu’il désigna comme l’un des points d’entrée une Porta Pertusa qui, depuis longtemps, n’existait plus. Il est repoussé. À cette nouvelle, Odilon Barrot tombe dans un fauteuil en proie à un profond désespoir ; l’Assemblée, à la veille de disparaître,

  1. Mémoires, t. III, p. 193.
  2. Mémoires, t. II, p. 129.