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Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 138.djvu/962

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avait cru pouvoir mettre à la disposition du ministre des finances, La même idée est venue à la fois à l’esprit de lord Cromer au Caire et de tous les rédacteurs de journaux à Londres, à savoir que l’Angleterre devait faire à l’Egypte l’avance des fonds dont elle avait un besoin immédiat ; toutefois la presse, en annonçant cette libéralité, lui a aussitôt retiré le caractère d’un don gratuit, pour lui donner celui d’une Dette d’un nouveau genre qui serait imposée à l’Egypte, sauf au prêteur à se rembourser lui-même sous la forme qui lui conviendrait le mieux. Et on a dit tout de suite que cette forme serait celle de territoires à conquérir en commun dans le Soudan, et que l’Angleterre garderait ensuite pour elle seule. N’est-ce pas juste, écrivent les journaux, puisque l’Angleterre paiera ? C’est là un raisonnement de journaux : encore ne peut-il être émis que ab irato, dans le premier moment d’impatience et de colère que cause un jugement imprévu et déplaisant. Le gouvernement de la Reine ne s’y associera pas. On comprend très bien que l’Angleterre désire reconquérir le Soudan égyptien pour le restituer au khédive auquel il appartient virtuellement. N’est-ce pas elle qui le lui a fait perdre, il y a une quinzaine d’années ? Ce souvenir pèse sur sa conscience et rien n’est plus naturel. Lorsque l’expédition de Dongola a été décidée, une des raisons qui en ont été données, — elles ont été, il est vrai, fort complexes et quelquefois contradictoires, — a été qu’il y allait de l’honneur de l’Angleterre de reconquérir le Soudan afin de reconstituer entre les mains du Khédive l’intégralité de ses possessions d’autrefois. Alors seulement, on pourrait parler de l’évacuation avec dignité. Ce sentiment était respectable. Mais que faudrait-il penser si, parce que le gouvernement égyptien a perdu un procès qu’il ne pouvait pas gagner, l’Angleterre, après avoir commis la maladresse de le lancer dans cette affaire, lui en faisait payer les frais en lui retenant une partie plus ou moins considérable de ses territoires soudanais ? Un tuteur qui se conduirait ainsi envers son pupille aurait maille à partir avec les tribunaux. Sans doute, l’Angleterre peut donner, si bon lui semble, 350 000 livres à l’Egypte ; mais cela ne lui constitue de droits d’aucune sorte. Un cadeau est un cadeau. Nous savons bien qu’il n’est pas dans les habitudes de l’Angleterre d’en faire, en quoi elle a d’ailleurs parfaitement raison ; aussi est-ce seulement d’un prêt qu’il a été question. Elle prêtera 350 000 livres à l’Egypte, plus même s’il le faut, et elle se remboursera plus tard en argent ou bien en territoires. Tel est le système ; il n’y a qu’un malheur, c’est que, si l’Angleterre est libre de prêter, l’Egypte ne l’est pas d’emprunter ; l’interdiction est formelle, absolue, et il importe peu de savoir si le prêt serait plus tard restitué en espèces ou en nature. On est donc dans une véritable impasse. Nous ne disons pas qu’il soit impossible d’en sortir ; rien même n’est plus facile, pourvu que les puissances, consultées à ce