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III

Les fêtes officielles vont leur cours. Le 16, réception au palais du Kremlin ; le 17, spectacle-gala ; le 18, bal à l’ambassade de France. Puis, bal chez S. A. I. le grand-duc Serge, bal à l’assemblée de la noblesse, bal au palais du Kremlin… Un repas sera offert aux baillis des cantons dans la cour du palais Pétrovsky ; des réjouissances populaires se préparent sur le vaste Khodynskoe pôle ; enfin l’Empereur, avant de nous congédier tous, passera le 26 une revue solennelle des troupes.

Ce soir donc, 10 mai, c’est le courtag, ce terme, mi-parti de français et d’allemand, ayant curieusement passé de Berlin à Pétersbourg. À neuf heures, les équipages affluent de nouveau dans la cour du Kremlin ; ils ont roulé déjà pour les félicitations, apportées aujourd’hui aux heures fixées par l’expédition des cérémonies.

Un grand vestibule, sous la terrasse, donne accès dans le palais. Des chasseurs de la cour, debout, dans une pose uniforme, sur les marches du long escalier, tiennent leur coiffure sur l’avant-bras replié ; la première impression est celle de l’ordre et de la majesté. Une forte odeur de lilas et de tubéreuse tombe des balcons de marbre avec de chaudes bouffées d’air. Un portrait en pied de l’empereur défunt se présente dans la lumière, au sommet de l’escalier, comme pour indiquer que sa pensée est ici toujours vivante et que les invités entrent chez lui.

La salle Saint-Georges, voûte colossale, s’allonge perpendiculairement à la façade et à la terrasse ; la riche ornementation en est blanche ; des statues de victoires sont debout sur les chapiteaux ; des chiffres d’or rappellent les dates des grandes conquêtes qui ont fait la Russie. C’est la salle des officiers ; ils remplissent tout l’espace entre les murs et la haie des chevaliers-gardes ; derrière eux, sur des plaques de marbre, on lit les noms des chevaliers de Saint-Georges, généraux, officiers, soldats, présens désormais à toute fête de cour et qui ont mérité d’être éternellement à l’honneur. C’est ainsi que, dans l’armée, les nouveaux venus ont leurs anciens pour frères et pour témoins, et que les uns et les autres participent d’une même vie, plus longue et plus belle et meilleure que la vie.

« Plus loin, messieurs, dans la salle Saint-André… » nous dit