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D’autre part, les pluies ont cessé, et le général Weyler a fait de la besogne. L’île de Cuba est partagée en trois tronçons par les deux trochas militaires ou lignes fortifiées ; vers l’ouest, de Mariel à la baie de Majana ; vers l’est, de Morón à Jucaro. Avant que la campagne de cette saison recommençât, Maximo Gómez était maintenu dans la partie orientale, dans les provinces de Santiago de Cuba et de Puerto-Principe, par la seconde de ces trochas. et Maceo, dans la partie occidentale, dans Pinar del Rio, par la première. Dans les provinces centrales, dans Santa-Clara, Matanzas et la Havane, il n’y avait que des bandes relativement faibles, et sans cohésion entre elles. Le général Weyler assure qu’il a nettoyé Pinar del Rio, qu’on n’y trouverait plus 500 insurgés : il se retourne vers l’est avec toutes ses forces et, si Máximo Gómez a franchi la trocha de Morón à Jucaro, s’il est entré dans les provinces centrales, si même il opère sa jonction avec Calixto Garcia, peut-être sera-ce l’occasion d’un grand coup ; et peut-être enfin terminera-t-on par une bataille cette guerre qui n’a paru interminable que parce que, jusqu’à présent, il ne s’y est pas livré une seule bataille, et que l’armée espagnole, une armée de 220 000 hommes, n’a jamais étreint que le vide.


V

Quand donc cette guerre finira-t-elle ? Le patriotisme, en Espagne, devait être et il a été à la hauteur de tous les événemens. Il n’aurait pas une défaillance, quels que les événemens dussent devenir. Déjà, en 1878, il avait fait la stupéfaction des Cubains : « D’où l’Espagne tire-t-elle tant de soldats, demandaient-ils, pour les envoyer à Cuba ? Les mères espagnoles ne se lassent-elles pas de mettre des fils au monde pour qu’ils viennent mourir ici de maladie ou sous le couteau des mambises[1] ? » Non, sans doute, l’on ne peut pas répondre que les mères espagnoles ne se lassent point. — Bella detestata matribus. — Dans ces chansons que l’on vend à la porte des cafés populaires, il y a toujours un couplet attendri, et c’est toujours la lamentation d’une mère :


Sur la jetée de la Corogne — une triste mère pleurait — et avec des mots d’amertume — elle maudissait son malheur.

Des pleurs plein les yeux — la pauvre femme regardait — à travers l’immense mer — un vaisseau qui s’éloignait.

  1. Eug. Ant. Flores, la Guerra de Cuba, p. 80.