— il faut parler net. Tant que les républicains modérés n’auront pas compris que la forme du gouvernement est définitivement hors du débat; — tant qu’ils accepteront, fût-ce du bout des lèvres, la sotte et impertinente maxime d’après laquelle un cabinet doit se recruter parmi les républicains de la veille; — tant qu’ils verront dans les ralliés, non pas les têtes de colonne de la grande armée conservatrice, prête à opérer sa jonction, mais des suspects, des tard-venus, des citoyens de seconde classe; — tant qu’ils laisseront gouverner non pour et par le pays, mais par et pour le parti républicain; — tant qu’ils proclameront inviolables certaines lois et certaines mesures attentatoires à la liberté de conscience et fatales à la paix religieuse, la confusion et le mensonge de la concentration seront toujours une inéluctable nécessité. On l’avouera ou on la dissimulera. Elle se fera un peu plus adroite ou un peu plus à gauche. Elle ne pourra manquer de se faire, n’étant après tout que la fiction hypocrite destinée à perpétuer de vieilles querelles et des conflits périmés, aussi longtemps que les vraies résolutions n’auront pas été prises et que le partage des esprits ne se sera pas fait sur les questions actuelles et selon les opinions vivantes.
Qu’est-ce à dire, sinon que le ministère Méline n’a même pas abordé cette œuvre redoutable? Son courage ne va pas jusqu’à déblayer le terrain en répudiant le legs de l’intolérance anticléricale, ni jusqu’à creuser entre lui et les complices plus ou moins consciens du socialisme révolutionnaire un infranchissable fossé. À cette heure un gouvernement se caractérise et prend figure bien moins par ses amitiés, que le plus souvent il dissimule avec soin, que par les inimitiés qu’il affiche. Si M. Bourgeois méritait la reconnaissance des socialistes en détendant à petit bruit à leur profit les ressorts de l’autorité, il se plaisait surtout à évoquer l’antique spectre du cléricalisme. M. Méline, lui, ne gagne pas les suffrages des ralliés ou de la droite en redressant les griefs légitimes de l’Église, mais il évoque à son tour le non moins antique spectre rouge. Politique toute négative, inféconde au premier chef, qui a le seul mérite d’esquiver la question des ralliés. Celle-ci pourtant, — peu importante, si l’on ne tient compte que des chiffres, — a moralement une gravité suprême. Il s’agit de savoir si la République doit être la chose de tous ou le monopole d’une coterie. Quand bien même il n’y aurait qu’un rallié, de l’accueil qui lui serait fait dépendrait la solution du