est formé de deux ou trois centaines de maisons de ce genre, alignées, avec un seul mur de façade allant tout du long. On croirait voir une rangée d’étables.
« A l’entrée de la rue se trouvent une boulangerie, une épicerie, et deux débits de bière. D’aucun des trous rectangulaires on ne peut les apercevoir ; mais il n’y a pas un habitant de la rue qui ne les connaisse, et l’on sait même que l’épicier va à l’église le dimanche. A l’extrémité opposée, des tournans conduisent dans des rues d’une respectabilité moins sévère : il y en a où les fenêtres portent l’écriteau : Ici on calandre le linge, et où les portes restent ouvertes jour et nuit; d’autres où des femmes déguenillées se tiennent assises sur le seuil, et d’où les filles vont à l’atelier en tabliers blancs. Et bien des tournans, de bien des degrés de décence, séparent notre rue de la ruelle voisine.
« Les habitans de la rue ne sont ni très bruyans, ni très encombrans. Ils ne vont pas à Hyde Park avec des bannières ; et ils ne se battent que de temps à autre. Quelques-uns travaillent aux docks, d’autres sont employés dans les usines à gaz, d’autres dans les rares chantiers de construction qui subsistent encore sur le fleuve. Deux familles dans chaque maison, c’est la règle générale, car il y a six chambres derrière chaque série de trous : sauf cependant le cas où des « jeunes gens sont reçus à loger », ou bien où il y a des fils adultes qui paient pour le lit et la table. Quant aux filles adultes, elles se marient et vont habiter ailleurs le plus tôt qu’elles peuvent.
« Tous les matins, à cinq heures et demie, une curieuse démonstration se produit. La rue retentit de coups sonores, répétés de porte en porte, et auxquels répond, de l’intérieur des maisons, un sourd grognement. Ces signaux sont l’œuvre du veilleur de nuit, ou du policeman, ou de tous les deux ; ils invitent les dormeurs à se lever pour aller aux docks, aux usines à gaz, et aux chantiers. D’être réveillé de cette manière, cela coûte quatre pence par semaine ; et il y a pour ces quatre pence une rivalité féroce entre les policemen et les veilleurs de nuit.
« Puis les coups et les grognemens passent, et l’on entend un bruit de portes ouvertes, refermées, et un bruit de marche vers les docks, les usines à gaz, les chantiers. Plus tard encore, c’est un nouveau bruit de portes refermées, suivi d’un morne trot de petits pieds, le long de la morne rue, vers la morne école, à trois rues de là. Et puis le silence, interrompu seulement par le grincement d’un balai, çà et là, ou par le râle étouffé d’un enfant atteint du croup. Vers midi, le trot des petits pieds recommence : les enfans vont aux docks, aux usines, aux chantiers, avec le dîner du père dans une assiette, et un