ni qui soient plus faciles à comprendre, et à admirer, M. Morrison s’en est remarquablement approprié la recette : il y a même joint, comme je l’ai dit, un assortiment de cadres tout à fait nouveaux, sans compter l’attrait supplémentaire d’un style un peu apprêté, mais ferme, expressif, souvent plein d’humour et même parfois d’éloquence.
Rien ne l’empêchait de poursuivre une voie où il s’était, dès le début, si heureusement engagé. Après ses nouvelles néo-réalistes, il devait à ses lecteurs un roman du même genre. Le cadre était tout trouvé : restait à imaginer une histoire un peu développée, ou à relier plusieurs histoires de façon à leur donner un semblant d’unité. Et, en effet, M. Morrison s’est mis à l’œuvre aussitôt. Dans un cadre à peine différent de ceux qui lui avaient servi pour ses Tales of Mean Streets, il a placé une histoire assez développée, et groupé autour d’elle, par surcroît, plusieurs autres histoires traitées en épisodes. Peut-être même a-t-il voulu se montrer plus hardi encore, et « faire plus rosse » que dans son volume précédent : car non seulement il a quitté la « rue » qu’il nous avait décrite pour pénétrer dans les « tournans » les plus ignobles de l’East-End, mais le sujet principal qu’il a entrepris de traiter était à coup sûr le plus paradoxal possible, le mieux fait pour étonner et scandaliser « le bourgeois ». C’était, en deux mots, l’histoire d’un jeune citoyen de l’East-End qui tout en possédant au grand complet les vices ordinaires de ses compatriotes, et en vivant de la même manière, trouvait cependant le moyen d’être un très brave garçon, et gardait une belle âme jusque dans le crime.
Ce sujet là, non plus, n’était pas nouveau. Antérieur même au naturalisme, il avait inspiré plus d’une fois Victor Hugo, et Alexandre Dumas, et Eugène Sue, que M. Morrison parait d’ailleurs avoir particulièrement étudié. On le retrouverait encore, par exemple, dans l’œuvre de Dickens; et ce n’est pas sans raison qu’un critique anglais a rapproché du voleur et professeur de vol Fagin, d’Olivier Twist, un des principaux personnages de l’Enfant du Iago. Mais Olivier Twist se convertit à notre morale ordinaire, avant la fin du roman, et pareillement font les héros d’Eugène Sue et des romantiques ; tandis que le héros de M. Morrison, Dicky Perrott, ne se convertit qu’à la dernière ligne, quelques secondes avant de mourir. Et c’est à travers tout le récit qu’il nous fait voir sa belle âme, orientée seulement dans le sens d’une morale qui n’est pas la nôtre. L’intention paradoxale de l’auteur est manifeste; et l’on voit aussitôt que ses vrais maîtres, cette fois encore, ont été les conteurs de l’école de Médan. A le prendre dans l’ensemble, et