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Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 140.djvu/426

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remaniemens constans, qui sous une forme ou l’autre déguisent de véritables spoliations des rentiers, que ceux-ci fussent créanciers du Trésor royal ou de l’Hôtel de Ville, comme on désignait alors la municipalité. Le rentier de Boileau, qui pâlit


A l’aspect d’un arrêt qui retranche un quartier,


fait allusion à la coutume, trop fréquente alors chez les administrations débitrices, de décréter arbitrairement une réduction des intérêts promis par elles à leurs prêteurs. Aussi ces créances incertaines étaient-elles loin de jouir dans l’opinion publique du prestige qui s’attache aujourd’hui à un titre de rente sur l’État ou à une obligation de la Ville de Paris. D’ailleurs le total n’en atteignait que des chiffres bien éloignés de ceux auxquels nous nous sommes accoutumés.

Dès le début de la Restauration, les grandes opérations d’emprunt nécessaires pour la libération du territoire, le paiement du milliard aux émigrés et la satisfaction d’autres besoins budgétaires, nous habituèrent peu à peu à faire une plus large place dans notre fortune aux placemens en fonds d’Etat. Ce n’est pas ici le lieu de retracer l’histoire de la dette française, qui s’est, d’étape en étape, élevée à son chiffre formidable de plus de 30 milliards de francs. Bientôt surgirent les titres de chemins de fer qui, de 1840 à 1866, furent un des alimens principaux de l’activité financière aussi bien qu’industrielle du pays.

Mais la fortune de la France croissait plus rapidement encore que les emplois qu’elle trouvait à l’intérieur de ses frontières. L’esprit de sagesse et d’économie de ses travailleurs, depuis le plus modeste jusqu’au plus illustre, est tel, que l’épargne mise de côté au bout de chaque année absorbait, non seulement les titres de rente émis par le gouvernement, mais toutes les actions et obligations d’entreprises particulières ; et, cela fait, il restait encore des millions disponibles. Chercher au dehors l’usage fructueux de ces disponibilités ainsi accumulées était l’étape prochaine, inévitable du développement économique : dès lors nos financiers se mirent en quête des États étrangers désireux d’emprunter, ainsi que des besoins industriels ou commerciaux à satisfaire dans d’autres pays. De, là les souscriptions aux emprunts étrangers, de là la création de sociétés, l’envoi de capitaux au dehors. Il est instructif de trouver la trace matérielle de cette évolution dans la simple inspection de la cote de la bourse de Paris à différentes époques.