but poursuivi. Il y a d’ailleurs un art de préparer et d’accommoder la volonté des populations aux intérêts de tel ou tel gouvernement audacieux, de telle ou telle. puissance ambitieuse, art plein de périls, dont le premier est l’extrême facilité que l’application en présente, même de la part d’artistes médiocres. Il suffirait d’en faire un premier essai en Crète pour qu’aussitôt on en vît de nouveaux se produire sur plusieurs points des Balkans. La révolution sortirait de là, aussi bien que de la guerre et de la conquête ; et, pour le moment, nous l’avons dit, les puissances sont conservatrices en Orient. S’il en est une dont les intérêts particuliers soient conformes à ce sentiment, à coup sûr, c’est la France. Est-il besoin d’en donner les motifs ? Ne sont-ils pas présens à l’esprit de tous ceux qui savent regarder autour d’eux et réfléchir sur eux-mêmes ? Un pays est perdu, ou du moins il est bien malade, lorsque l’opinion, impressionnable, nerveuse et mobile à l’excès y subit toutes les impressions sans en dominer aucune. L’honneur d’un gouvernement est de se tenir au-dessus des incidens, quelque graves qu’ils puissent paraître, et de les maîtriser par la justesse initiale et la fermeté de sa politique générale. Quand ce sont les incidens, au contraire, qui influent seuls sur la politique, qui s’en emparent et qui la dirigent, tout va à la dérive et le vaisseau finit sur les écueils.
Notre politique aujourd’hui consiste à rester d’accord avec les autres puissances, et plus particulièrement avec la Russie. A nous seuls, nous ne pouvons rien, ou nous ne pouvons que peu de chose dans les affaires d’Orient. Unis aux autres, nous leur donnons de notre force et nous empruntons de la leur, de manière à former ensemble un instrument tantôt de modération, tantôt d’action, dont l’efficacité s’est manifestée à maintes reprises. Mais les puissances ne peuvent rester d’accord qu’en se faisant des concessions réciproques. Le jour où l’une d’entre elles afficherait une politique séparée et voudrait l’imposer aux autres, celles-ci se révolteraient, et l’instrument dont nous venons de parler serait aussitôt brisé, sauf à se reconstituer le lendemain à l’exclusion de la puissance dissidente, ou peut-être à son détriment. Est-ce là ce que veulent pour la France nos socialistes qui tendent de plus en plus, au Palais-Bourbon, à se faire une spécialité de la politique extérieure ? Il est vrai qu’ils parlent de tout, et que leur prétention est de ne se montrer étrangers ni inférieurs à rien. Quoi qu’il en soit, leur effort parlementaire, aujourd’hui, tend à amener le gouvernement de la République à se mettre en dehors des autres gouvernemens européens pour professer, en vertu de principes particuliers, une politique dont il aurait, et dont personne ne lui disputerait le monopole exclusif. Nous