delà de son besoin et qui le dégoûte des alimens plus convenables à sa santé ; qu’enfin on ne lui serve pas trop de choses différentes, car la variété des viandes qui viennent l’une après l’autre soutient l’appétit après que le vrai besoin de manger est fini. » À ces préceptes sur la nourriture Fénelon rattache certaines idées sur la physiologie du cerveau de l’enfant qui ne manquent pas d’une exactitude approximative. À ses yeux le cerveau de l’enfant est humide et mou. Cette humidité, cette mollesse surtout, le préoccupent au point qu’il y revient à plus d’une page, et qu’il en tire de sages règles auxquelles on aimerait assez voir nos modernes instituteurs de la jeunesse se conformer. Un chapitre est intitulé : Il ne faut point presser les enfans, et si le mot de surmenage n’y est point employé, car il est tout moderne, le chapitre entier n’en est pas moins dirigé contre le surmenage. Mais en même temps il sait combien, sans presser l’enfant, il est facile de l’instruire et de faire pénétrer dans son esprit les leçons les plus importantes. Cette mollesse du cerveau fait que toutes choses s’y impriment facilement, et que les images de tous les objets sensibles y sont très vives. Aussi faut-il se hâter d’écrire dans leur tête, pendant que les caractères s’y forment aisément. Mais il faut bien choisir les images qu’on y doit graver, car « on ne doit verser dans un réservoir si petit et si précieux que des choses exquises. »
Aux yeux de Fénelon, le grand ressort de l’éducation, celui que nous le verrons de préférence faire agir et mouvoir dans l’éducation du duc de Bourgogne, c’est la sensibilité. De toutes les peines de l’éducation aucune n’est comparable à celle d’élever des enfans qui en sont dépourvus. « Les naturels vifs et sensibles sont capables de terribles égaremens ; les passions et la présomption les entraînent, mais aussi ils ont de grandes ressources et reviennent souvent de loin… On a en eux de quoi les intéresser à ce qu’on leur enseigne et les piquer d’honneur, au lieu qu’on n’a aucune prise sur les naturels indolens. » Ne semble-t-il pas qu’il trace à l’avance le portrait de son royal élève et ne serait-on pas tenté de croire que cette page a été ajoutée après coup ? Quanta la vivacité du naturel, Fénelon devait être servi à souhait, mais nous voyons déjà à quels procédés il aura recours : il agira sur la sensibilité, et c’est au cœur qu’il s’adressera. « Il y a une autre espèce de sensibilité encore plus difficile et plus importante à donner : celle de l’amitié. Dès qu’un enfant en est capable il n’est plus question que de tourner son cœur vers