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Fénelon l’avait nourri des meilleurs auteurs : les lettres choisies de saint Jérôme, de saint Augustin, de saint Ambroise, de saint Cyprien. Il ne proscrivait pas les Confessions de saint Augustin qui lui paraissaient avoir un grand charme « en ce qu’elles sont pleines de peintures variées et de sentimens tendres. » Mais il conseillait d’en passer les endroits subtils et abstraits. L’Histoire des variations lui semblait également bonne à lire. Mais il s’efforçait surtout de développer chez l’enfant la piété intérieure. La première communion des enfans n’était point alors entourée d’autant de solennité et de cérémonies qu’aujourd’hui. Dangeau, qui note le jour où le duc de Bourgogne mit pour la première fois des chausses, fait à peine mention de celui où il s’approcha pour la première fois des sacremens. Ce fut le jour de Pâques de l’année 1694, c’est-à-dire quand il avait douze ans. On avait cru devoir reculer sa première communion, «pour la lui faire acheter par des désirs redoublés, et, par des retardemens bien ménagés, accroître l’ardeur de ses désirs. » «Il fit à cette occasion, raconte l’abbé Proyart, une retraite de plusieurs jours, avant laquelle il voulut aller demander pardon au Roi et à Monseigneur des sujets de mécontentement qu’il leur avait donnés. Louis XIV lui dit en l’embrassant : « Je suis ravi, mon fils, des sentimens où je vous vois; je prie Dieu qu’il vous les conserve, je tâcherai de communier le même jour que vous[1]. » Et il le fit.

Le Père Martineau rapporte de son côté que le duc de Bourgogne passa la nuit qui précéda sa première communion dans une sainte impatience qui le réveilla plusieurs fois, et qu’au moment où il fit jour chez lui, sa joie éclata par des transports qu’on eut bien de la peine à réprimer. Le Père Martineau cite à ce propos une paraphrase du psaume LVII qui est l’œuvre du duc de Bourgogne, où les joies de la communion sont exprimées dans une langue touchante et forte. On a conservé le texte des paroles que lui adressa Fénelon en ce jour solennel. Elles sont courtes, mais dignes de la circonstance et de la personne.

Comme il arrive chez les enfans de nature consciencieuse, cet acte solennel produisit sur le duc de Bourgogne une impression non seulement vive, mais durable. Le sentiment religieux devint de plus en plus la règle de sa vie. Comme un jour Fénelon voulait lui faire avouer une faute qu’il avait commise, il

  1. Proyart, t. I, p. 52.