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Nous entrons dans une phase nouvelle, ou, si l’on veut, nous revenons à une phase ancienne qui semblait close, et qui n’était que suspendue. Pendant plusieurs jours, la vie politique du pays a été arrêtée. Le budget a failli n’être pas voté à temps pour éviter un quatrième douzième provisoire. Arton, du fond de sa prison, aussi puissant que certains héros de roman qui semblaient eux aussi être passés de mode et appartenir à un monde irréel, tient et remue les fils de la plus vaste intrigue, et pendant de longs mois sans doute, il faudra compter avec lui. Les amateurs de scandale s’en réjouissent : on nous permettra de nous en affliger. Mais le mal est inévitable ; il grandirait encore si on voulait l’éviter et l’étouffer. Au point où nous en sommes, on ne peut désirer qu’une chose : que la lumière soit faite tout entière et qu’elle soit portée jusque dans les derniers replis d’une affaire où peut-être, d’ailleurs, il n’y a plus rien à cacher


Nous ne sommes pas sûrs que les affaires d’Orient se soient améliorées depuis quinze jours. L’Europe a commencé l’exécution des mesures de coercition contre la Grèce ; mais les premiers résultats qu’on en attendait ne se sont pas encore réalisés. Il est vrai que nous ne sommes qu’au début : le blocus de la Crète date de quelques jours à peine. C’est dans la séance du 16 mars que M. Hanotaux a fait connaître à la Chambre les points sur lesquels l’Europe s’était mise d’accord. Il ne manquait, disait-il, à cette entente, déjà établie entre les autres gouvernemens, que l’adhésion de la France, et cette adhésion avait été réservée jusqu’au moment où le parlement se serait prononcé. Au point de vue constitutionnel, rien de plus correct. M. Hanotaux était incontestablement autorisé par les votes antérieurs à poursuivre avec l’Europe les négociations qui devaient aboutir à l’élaboration d’un plan commun : il avait déjà fait connaître, et la Chambre avait approuvé, les principes qui dirigeaient sa politique et qui avaient pour objet le maintien de la paix par le concert européen. La paix a été maintenue jusqu’ici, et le concert européen n’a pas été rompu. Mais on ne peut parler que pour le présent. Si on regarde du côté de l’Orient, les garanties de la paix n’ont pas augmenté ; et si on regarde du côté de l’Occident, les allures de certaines puissances et la quasi-abstention de l’une d’elles ne sont évidemment pas faites pour inspirer une confiance, une quiétude absolues. Les déclarations de M. Hanotaux, confirmées par celles de M. M éUne, avaient produit partout une impression excellente. Lord Salisbury, en particulier, leur avait donné une approbation que nous aurions préférée moins hyperbolique dans la forme.