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mais que nous voulons croire très sérieuse dans le fond. Partout ailleurs, si on en juge du moins par la lecture des journaux, il en avait été de même : pas une voix dissidente ne s’était élevée. Qu’avait dit M. Hanotaux? Que l’Europe avait enfin arrêté ses résolutions ; qu’elle était à la veille de les exécuter ; qu’on n’attendait plus que le vote des Chambres françaises. Déjà un premier résultat, insuffisant sans doute, mais toutefois appréciable, avait été obtenu de la part de la Grèce. Elle avait consenti à rappeler les vaisseaux qu’elle avait envoyés dans les eaux crétoises. Par malheur, la Grèce ne s’était pas montrée aussi accommodante en ce qui concerne ses soldats. Loin de rappeler le colonel Vassos, elle jugeait que sa présence en Crète était plus nécessaire que jamais, et elle demandait pour lui un véritable mandat européen en vue du rétablissement de l’ordre. Dans ce cas, l’ordre serait certainement rétabli à bref délai, et pendant la période transitoire qui s’écoulerait jusqu’au moment où les populations devraient être consultées, la Grèce ne s’opposerait pas au maintien de la suzeraineté ottomane. Rien de tout cela n’a été jugé acceptable par les puissances. Elles ont réclamé avec une insistance plus grande le retrait immédiat des troupes grecques, en promettant d’envoyer chacune cinq ou six cents hommes pour les remplacer. Quant aux troupes ottomanes, elles se retireraient aussi, mais non pas d’une manière complète : quelques détachemens resteraient concentrés dans les places de la côte, occupées déjà par des soldats européens. Ce plan n’est autre chose que celui qui avait été exposé, il y a quelques semaines, à la Chambre des lords par le marquis de Salisbury. Pour en assurer l’exécution, l’Europe était prête à en venir à des actes qu’elle jugeait décisifs : blocus immédiat de la Crète, et, s’il le fallait, blocus subséquent de plusieurs points du littoral hellénique. Le blocus de la Crète a été appliqué sur-le-champ. Il est absolu en ce qui concerne les navires grecs : aucun ne peut entrer dans les eaux crétoises. Aux navires des autres puissances, il est interdit d’introduire en Crète des munitions ou des vivres qui pourraient servir aux insurgés. Pour les munitions de guerre, rien de plus simple ; mais pour les vivres, rien de plus compliqué. Il est également impossible d’affamer toute la population crétoise, et d’établir une distinction entre les vivres destinés aux Crétois pacifiques et les vivres qui passeront inévitablement entre les mains des insurgés. Là est une des faiblesses du plan de l’Europe. Nous craignons, à parler franchement, que le blocus ne soit moins efficace qu’on ne l’a dit, et que les insurgés ne trouvent pendant assez longtemps encore les moyens de se ravitailler. Il faudrait, pour les en empêcher, les réunir et les bloquer sur quelques points de