avec plus de volonté, de science, avec plus de puissance et de délicatesse que M. d’Indy, le système intégral du maître de la Tétralogie. M. d’Indy en un mot procède de Wagner non seulement par procédé, mais, comme dit la théologie, par procession, et peut-être davantage : par une sorte de communication abondante et plénière. L’auteur de Fervaal est coessentiel et consubstantiel à son dieu, à son père, qui, s’il s’était connu ce fils, eût mis en lui toutes ses complaisances.
Leitmotive, mélodie ou mélopée continue, tout à l’orchestre ou presque tout, voilà nécessairement les trois élémens de la musique de M. d’Indy. De toute musique actuelle, se hâteront de réclamer nos jeunes doctrinaires. Oui ; mais de ces élémens l’auteur de Fervaal se sert avec une maîtrise qui n’appartient à nul autre. Il est le plus éminent des épigones. Seul il peut ce qu’ils veulent tous. Dans le moule commun il verse une pâte singulièrement riche et souple. Sous la loi de Wagner, et comme à son ombre, c’est ainsi qu’il est un créateur en quelque sorte au second degré, mais enfin un créateur. Il y a dans Fervaal infiniment de musique. La valeur des rythmes, des harmonies, de l’instrumentation, de la mélodie même, sans y être personnelle, ne laisse pas d’y être considérable, et si devant les beautés d’une œuvre de ce genre on n’éprouve guère qu’une admiration de reflet, une émotion par contre-coup, c’est pourtant de l’admiration et de l’émotion qu’on éprouve.
A qui lui reprocherait de manquer de mélodie, M. d’Indy répondra qu’il en a autant qu’il est possible, qu’il est permis d’en avoir dans la musique de théâtre telle qu’on la pratique aujourd’hui. Et de fait il y a beaucoup plus d’invention mélodique en une page quelconque de Fervaal que dans les trois quarts de Kermaria ou les neuf dixièmes de Messidor. Au double point de vue de l’expression et de la musique pure, les thèmes de Fervaal me paraissent très supérieurs. Ils sont et ils signifient. Le motif que les commentateurs ouïes guides ne manqueront pas d’appeler cosmogonique, celui qui accompagne les fastidieuses instructions données à Fervaal par son druidique précepteur, cette complainte même n’est pas sans caractère. Le thème héroïque de Fervaal, un thème — fier aussi — de Guilhen, ressemblent au thème juvénile de Parsifal. Comme celui-ci, l’un et l’autre ne sont guère plus qu’un sursaut, une secousse sonore, mais assez forte pour marquer un trait, donner un accent et une touche vivante. Un autre motif de Guilhen, d’une grâce agile et fugitive, se développe à mainte reprise en un scherzando charmant. Le prélude du premier acte, ne fût-ce que par l’idée ou la ligne, serait déjà une belle chose et presque un chant. Un