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Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 141.djvu/127

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pas d’entretenir, parmi les Cubains mêmes, des discordes et des troubles qui lui devaient profiter. L’homme qui avait appréhendé au corps Lopez battu et fugitif était un soir à la Havane, au café de Mars et Bellone, lorsqu’un coup de feu tiré à travers les jalousies lui troua la poitrine et le tua net. Ce fut comme un signal, comme un réveil. Mais trop de gens étaient dans le secret. Les Juntes révolutionnaires de New-York et de Cuba étaient novices encore en cet art dangereux des conspirations et n’en avaient pas assez médité la première maxime, ainsi formulée par les maîtres: « Ne te confie qu’à des amis sûrs; et des amis sûrs, il se peut que tu en trouves un, ou deux: mais, si tu vas plus loin que deux, il est impossible que tu les trouves. » Une tête ou deux, trois au plus ; le reste doit être l’instrument dont on se sert et qui ignore.

Pour correspondre avec Quitman, les conjurés cubains avaient recours à un certain Rodriguez, ancien détenu au presidio de Ceuta, où plusieurs avaient été jadis envoyés comme prisonniers politiques et où ils l’avaient rencontré. C’est ce Rodriguez qui allait et venait de Cuba aux États-Unis, portant les lettres, rapportant les réponses, et si instruit de tout que, quand il fut dénoncer au gouverneur espagnol le complot prêt à éclater, il lui remit les noms, les adresses et les preuves. Les Cubains les plus compromis, Ramon Pinto et Estrampes, payèrent de leur vie leur imprudence et la trahison de Rodriguez. Le capitaine général enrôla, arma, exerça d’urgence des bataillons de volontaires. Si Quitman s’était présenté, il eût trouvé qui l’eût reçu. Mais, averti à temps que son projet était découvert, il ne se présenta point. Ce n’étaient pourtant ni les hommes qui lui manquaient, puisqu’il en avait réuni 4 000, décidés à le suivre; ni le matériel de guerre, puisque ses commandes étaient faites ; ni l’argent, puisqu’il avait en caisse plus de cinq millions de francs.

On ne veut pas refaire une à une l’histoire des conspirations de Cuba ; tout ce qu’on en veut dire, c’est que, depuis un demi-siècle, l’île a bien des fois essayé de renverser la domination espagnole et que, pas une fois, le concours, l’assistance effective, la sympathie se traduisant en actes, sinon des Etats-Unis, au moins de certaines classes de citoyens américains, ne lui ont été refusés. Les échecs répétés des généraux Lopez, Houston et Quitman, n’ont pas lassé de les imiter; et lorsque, dans la suite, ces conspiration s, grandissant, se sont changées en insurrections formidables