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l’éducation de Mgr le duc de Bourgogne[1]. C’était, en effet, sur le désir exprimé par le duc de Bourgogne que ce questionnaire avait été adressé aux Intendans, et ce désir lui fut probablement inspiré par Beauvilliers, qui, en sa qualité de chef du conseil des finances, savait de quelle importance ces connaissances financières et administratives étaient pour un prince. Grande fut la joie de tous ceux, et ils commençaient à être nombreux, qui s’inquiétaient de l’état d’épuisement où la France semblait réduite, en apprenant que le futur héritier de la couronne se préoccupait déjà de connaître l’état véritable du pays sur lequel il devait régner un jour. Nous trouvons l’écho de ces sentimens dans la préface que Boulainvilliers devait mettre[2], quelques années plus tard, en tête de son ouvrage : l’État de la France. « La Renommée, dit-il, m’a voit appris, dans le fond de ma solitude et de la province, de combien de rares qualités la Providence avoit orné le cœur et l’esprit de M. le duc de Bourgogne. J’entrevoyois donc, avec toute la satisfaction qu’un bon Français peut ressentir, que le progrès des années développoit tous les jours chez lui quelques semences de nouvelles vertus propres à faire un jour le bonheur des peuples qui doivent lui être soumis et à lui procurer une gloire immortelle… Mais quand j’appris que, de son propre mouvement, il s’étoit porté à désirer que tous les Intendans du Royaume lui dressassent des mémoires exacts de leurs généralités, qu’il avoit choisi lui-même les matières qu’il vouloit qu’ils y renfermassent, et prescrit l’ordre qu’ils dévoient suivre en les écrivant ; surtout quand je crus apercevoir dans ce projet une distinction tendre et compatissante pour l’ancienne noblesse, j’avoue que mon cœur ressentit une joye inexprimable. »

Telles étaient les espérances que le duc de Bourgogne inspirait à l’avance aux esprits judicieux et réfléchis. Chez d’autres cependant, son naturel sérieux ne laissait pas de faire naître quelques appréhensions, dont nous trouvons également l’écho dans les Lettres galantes de Mme Desnoyers. Après avoir fait, dans une de ses lettres, l’éloge du duc de Berry et de sa gaieté, elle ajoute : « Monsieur le duc de Bourgogne est plus sombre, et il y a des gens qui augurent mal de son règne ; cependant il a paru de bonne humeur ce carnaval, et il s’est fort humanisé[3]. » Pour l’humaniser encore davantage, ces personnes frivoles comptaient sur

  1. Affaires étrangères. Mémoires et documens. France, 1595,
  2. Affaires étrangères. Mémoires et documens. France, 1595,
  3. Lettres historiques et galantes, t. I, p. 241.