Les livres de linguistique se succèdent, à l’usage des étudians, à l’usage du grand public, et cependant il ne me semble pas que ce qu’on offre soit bien ce qu’il fallait donner. Pour qui sait l’interroger, le langage est plein de leçons, puisque depuis tant de siècles l’humanité y dépose les acquisitions de sa vie matérielle et morale : mais encore faut-il le prendre par le côté où il parle à l’intelligence. Si l’on se borne aux changemens des voyelles et des consonnes, on réduit cette étude aux proportions d’une branche secondaire de l’acoustique et de la physiologie ; si l’on se contente d’énumérer les pertes subies par le mécanisme grammatical, on donne l’illusion d’un édifice qui tombe en ruines; si l’on se retranche dans de vagues théories sur l’origine du langage, on ajoute, sans grand profit, un chapitre à l’histoire des systèmes. Il y a, ce me semble, autre chose à faire. Extraire de la linguistique ce qui en ressort comme aliment pour la réflexion et, — je ne crains pas de l’ajouter, — comme règle pour notre propre langage, puisque chacun de nous collabore pour sa part à l’évolution de la parole humaine, voilà ce qui mérite d’être mis en lumière, voilà ce que je voudrais essayer de faire.
Il n’y a pas encore bien longtemps, la linguistique aurait cru déroger en avouant qu’elle pouvait servir à quelque objet pratique.
- ↑ Le morceau qu’on va lire fait partie d’un livre qui doit paraître prochainement sous le titre d’Essai de Sémantique à la librairie Hachette.