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Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 141.djvu/947

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et à force de vouloir y pénétrer il a fini par se complaire en elle, si bien qu’il lui a semblé, un beau jour, que nulle âme n’était plus digne d’être offerte en exemple à nos méditations. Son cas présent n’est en vérité que la conséquence nécessaire de l’évolution qu’il a subie, que nous avons tous subie avec lui depuis dix ans environ. Le « roman psychologique » ayant été reconnu naguère comme un genre spécial, l’avènement du roman autobiographique ne pouvait manquer d’en résulter, tôt ou tard.

C’est du moins ce qui ressort de la façon même dont M. Couperus nous explique la série de ses « métamorphoses ». Nous y voyons les lents progrès que fait, dans l’âme du héros, l’habitude, — on pourrait dire la manie — de l’analyse psychologique, et comment elle le porte sans cesse davantage à s’analyser soi-même, jusqu’au jour où, découvrant l’impossibilité de jamais connaître d’autres âmes, le jeune romancier se décide à prendre la sienne pour sujet de ses livres. C’était là un travail intérieur que n’eussent point soupçonné les lecteurs d’Eline Vere, ni de la Paix du Monde ; il se poursuivait cependant d’année en année, et maintenant en voici toutes les phases exposées sous nos yeux.


Mais pour ne pouvoir plus, en ce moment, s’intéresser à d’autres aventures qu’aux siennes, M. Louis Couperus n’en est pas moins resté un artiste, passionnément épris de beauté et de perfection ; et si son nouveau livre diffère, par son genre, de tous les précédens, il y a mis en revanche, fort heureusement, les mêmes précieuses qualités de noble, élégante, et tendre poésie. Et il s’est encore efforcé de donner à son autobiographie toutes les apparences d’un roman, entremêlant à l’analyse de ses « métamorphoses » une foule d’épisodes familiers ou tragiques, et variant leur décor avec une maîtrise admirable. Paysages d’Italie, de Belgique, de France, souvenirs d’années d’enfance passées aux Indes hollandaises, dans l’enchantement d’une féerie vivante, mais surtout puissantes et délicates peintures du port de Scheveningue et du Bois de La Haye, ce sont peut-être les pages les plus charmantes du livre, celles où s’aperçoit le mieux l’âme profondément poétique de ce soi-disant psychologue. Combien je regrette de ne pouvoir pas les traduire, comme aussi de ne pouvoir pas m’arrêter à loisir devant le récit des deux amours de Hugo Aylva !

De ces deux amours, au reste, l’un risquerait de nous paraître un peu invraisemblable : celui qu’éprouve le jeune romancier pour une de ses compatriotes rencontrée à Paris, une femme qui a eu jadis un mari