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débuta par cette phrase : « Messieurs, je ne puis me défendre d’une émotion profonde en prenant pour la première fois la parole dans cette auguste enceinte. » A cet adjectif, la Chambre partit d’un grand éclat de rire. Hennequin ne s’en releva jamais.

Par le rayonnement de sa bonté, le charme de son accueil, la sagesse souriante de ses conseils, surtout par cette flamme d’enthousiasme qui gagnait les cœurs des jeunes comme des vieux, des hommes comme des femmes, Berryer n’en restait pas moins le président moral de la Société des bonnes études. Autour de lui se pressait une élite d’étudians qui firent honneur à leur pays : Gustave de Beaumont, Alexis de Tocqueville, Augustin de Meaux, de Carné, de Larcy, de Boissieu, de Sesmaisons, de Suriau, Raudot, de Ravignan. Lun d’eux, qui se destinait à la profession d’avocat, ayant frappé Berryer par l’éclat de ses talens et ses défauts mêmes, il lui dit qu’il sentait dans sa parole les plus rares conditions de l’éloquence, une véritable puissance d’action sur les esprits ; en même temps il le mettait en garde contre les défauts de ses qualités : l’exubérance du langage, la témérité de la pensée et de l’imagination. Aussi lui conseillait-il de subir un joug, de se soumettre à une grave et sévère autorité. « Vous seriez, conclut-il, un éminent orateur de la chaire. » A quelque temps de là, Lacordaire débutait dans la chapelle du collège Stanislas, et Berryer entra dans la sacristie pour le féliciter. « Vous le voyez, dit le prêtre, j’ai suivi vos conseils. » Plus tard, le grand orateur de la chaire lui demanda d’être, avec Montalembert, l’un de ses parrains, le jour de sa réception à l’Académie française.

Malgré ses occupations, ses entraînemens de dilettante et de mondain, Berryer ne laisse pas de préparer avec soin certaines de ses conférences à la Société des bonnes études. D’après un plan qu’il a tracé lui-même, il se propose de consacrer tout un cours à l’art de la parole, et voici dans quel ordre il l’annonce : 1° Origine de la parole, puissance, devoir ; 2° divers genres d’éloquence, chaire, barreau, tribune, éloquence académique ; 3° et 4° de l’éloquence parlementaire en France avant la Révolution ; 5° et 6° de ce que fut l’éloquence parlementaire en France lors de la Révolution ; 7° 8° et 9° l’éloquence parlementaire en Angleterre.

Dans les notes et dévoloppemens qu’il jette sur le papier,