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REVUE DRAMATIQUE.

Valréas est un « galant homme » ; Brigard n’est pas un père fort respectable, mais il a bon cœur :

Personne n’est méchant, et que de mal on fait !

Ce pourrait être la morale de Froufrou. Ce théâtre si spirituel est tendre. Il n’est nullement impossible, à certains endroits de la Cigale, de Margot, de la Petite Mère, de se sentir « un désir de larmes ».

Il est bien certain, avec tout cela, que ce mélange d’irrévérence et de douceur, d’épicurisme et de bonté un peu aveulie, ce n’est pas de quoi fortifier et régénérer l’âme d’un peuple. Mon Dieu, non. Mais sans doute Meilhac ne pensait point que tel fût nécessairement l’objet du théâtre. Il est également certain, si l’on tient à comparer Meilhac, que Dumas et Augier eurent plus de force et, si vous voulez, plus de pensée. Mais, après tout, ce qu’on peut mettre de pensée au théâtre ne sera jamais grand’chose. Il est sûr enfin que le Paris de Meilhac n’est pas même Paris entier, et que Paris n’est pas le monde. Mais la comédie de Marivaux, et celle de Musset, sont également fort loin de contenir tout l’univers moral. Aimons Meilhac comme il est, puisque nous l’aimons. Il a une grâce infinie. Il a — combinaison rare — parmi son ironie et son irrespect, une « naïveté » qui me semble parente de celle de La Fontaine ou de Favart. Il a « désolennisé » et assoupli la comédie. Presque tous les nouveaux venus, les Lavedan, les Donnay, les Hermant, les Guinon, procèdent de lui quant à la forme dramatique (dans laquelle, d’ailleurs, il ne leur est point interdit d’introduire de hauts sentimens et une robuste moralité). Cela est pour Meilhac un grand signe, qu’il ait fait école sans y avoir jamais songé et sans avoir eu de doctrine.

Ai-je besoin de vous prévenir que, presque partout où j’ai écrit « Meilhac » tout seul, il faut lire « Meilhac et Halévy » ? Il est difficile, dans cette collaboration, de démêler les parts. Toutefois, Monsieur et Madame Cardinal, les Petites Cardinal et l’Abbé Constantin, trois petits chefs-d’œuvre effrontés et doux, rendent le mystère moins impénétrable.


Les « Français » nous ont donné, à la date et dans les conditions les plus propres à lui nuire, la Vassale de M. Jules Case.

Encore une femme à revendications et qui nous rebat les oreilles de ses droits : droit à la liberté, droit au travail, droit à la pensée, droit au « développement intégral de son être », droit au bonheur, droit à l’adultère, etc. Cela devient insupportable. On se croit revenu aux