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ajoute-t-il, ce qui se passe sous nos yeux mêmes dans le culte populaire des saints. »

L’influence de l’association et de la confusion des sens d’un même mot sur la formation et le développement des mythes, des légendes et des religions paraît donc hors de doute. On ne peut discuter que sur la prépondérance de son rôle. Il semble bien que Max Müller l’avait exagéré, et ses idées, sous leur forme absolue, sont assez peu en faveur. Mais ceux mêmes qui les ont combattues admettent volontiers que certains mythes ont dû se former à l’aide de confusions et de substitutions semblables à celles dont nous avons parlé. Pour expliquer le reste, il faudrait recourir à des faits assez peu différens au fond, mais qui sortent de notre cadre : à des illusions des sens, des perceptions ou du raisonnement, et pour ainsi dire, à des calembours visuels ou intellectuels. Quoiqu’il en soit de l’importance, probablement considérable mais non exclusive, qui lui est échue, l’association par assonance se présente ici avec ses caractères ordinaires, engendrant à chaque moment des confusions et des erreurs que l’esprit rectifie plus ou moins vite, et dont, en attendant, il profite de son mieux.


VI

En dehors de quelques cas précis où le jeu de mots est employé volontairement pour suggérer une idée, l’influence de la confusion des sons sur les croyances suppose un état d’esprit primitif, une certaine gaucherie de l’intelligence. Cet état d’esprit a dû, jadis, avoir pour conséquence la création de légendes et de mythes. Mais nous sommes encore, à bien des égards, des primitifs, par rapport à ceux qui viendront longtemps après nous, — s’il vient quelqu’un encore, — ou qui pourraient venir. Sans aucun doute il faut s’attendre à trouver même à présent dans nos pensées la survivance de cet état intellectuel qui permit à nos aïeux de créer des mythes, par des moyens probablement variés. Quelques fragmens de notre savoir sont assez bien organisés désormais, pour être à l’abri des méprises et des jeux de mots. On n’en trouverait guère dans les parties bien coordonnées des sciences exactes (je ne dis pas dans leurs fondemens ou dans leurs prolongemens philosophiques). Mais ailleurs, dans tout ce que notre intelligence n’a pas encore conquis et qu’elle attaque sans cesse, la confusion n’a pas