aide si généreusement celui qui l’obtient à quitter les champs pour les administrations où une belle écriture et une orthographe infaillible sont requises, — ce certificat devint lui-même plus élastique et put porter la mention spéciale d’agriculture. Quel progrès ! Ces choses de l’agriculture ressemblent un peu aux vieilles « choses d’Espagne » : elles sont pleines de surprises. On avait bien introduit l’enseignement agricole dans les écoles, on l’avait même rendu obligatoire pour les instituteurs ; mais on avait oublié de leur inoculer aussi la science obligatoire. La plupart étaient nés dans la campagne, ils avaient vu beaucoup de blé, beaucoup d’avoine sur pied. Fils de paysans ils avaient même quelques notions de labour, mais leur jeunesse s’était passée dans les écoles, dans l’étude, à l’école normale primaire : ils n’y avaient rien appris de l’agriculture puisque de leur temps cet enseignement spécial n’existait pas ; et de ce qu’ils avaient vu dans les champs il ne restait rien sinon ces notions transcendantes que nous avons citées plus haut : que pour récolter il fallait semer, ce qui d’ailleurs aux yeux de quelques gens ressemble aujourd’hui à un paradoxe. Si leurs souvenirs étaient demeurés vivans qu’auraient-ils pu enseigner ? Les méthodes anciennes, les assolemens avec jachère, les cultures sarclées qu’on ne pratique plus qu’aux pays de la betterave, le fumier de ferme noyé dans les eaux du ciel ou rongé par le soleil, les semis à la main, très pittoresques en peinture, mais très coûteux et mal productifs en culture, et cent autres procédés surannés qui appartiennent à l’histoire. C’était évidemment trop peu pour des intelligences éprises de progrès et disposées à combattre la routine. Je ne sais si la remarque en fut faite par eux à leurs inspecteurs et autres supérieurs hiérarchiques ; toujours est-il que l’on finit par où l’on aurait dû commencer : on dota les 86 écoles normales primaires d’un enseignement agricole. Cet enseignement doit être excellent puisqu’il est donné par des fonctionnaires de l’État, professeurs d’agriculture, sortis des hautes écoles et munis de diplômes. L’argent du budget qui les rétribue ne rencontre pas toujours un aussi bon emploi.
Il ne faudrait pas croire que, pour avoir attendu si longtemps l’enseignement qui leur était nécessaire, les instituteurs des campagnes soient restés inactifs devant la nouvelle mission qui leur était confiée. Beaucoup s’étaient mis à l’étude. À l’aide de livres, de conseils pris chez de bons agriculteurs, auprès des professeurs spéciaux, des savans de la contrée, ils s’étaient fait un programme bien avant que l’administration rédigeât le sien, et, ce qui n’est pas moins méritoire, ils l’avaient introduit dans leur école. Il est bon d’ajouter que la Société