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purement politiques, ils ont affaire à un ennemi d’une autre sorte, la Malaria. Autour de Rome s’étend un désert redoutable. Combien d’années et combien de millions faudra-t-il pour triompher de ce fléau ? Imagine-t-on une capitale moderne placée au centre d’une région qui engendre la mort ? Cette menace ne les arrête pas. Intrépidement ils entreprennent d’assainir l’agro romano ; et qui ne ferait des vœux sincères pour leur succès ! On peut craindre seulement qu’il ne soit pas l’œuvre d’un jour. Et tous ceux qui admirent l’unique beauté, la sombre et émouvante grandeur de la campagne de Rome ont encore longtemps à en jouir.

Ce n’est pas tout. A côté de ceux qui prétendent, ou qui admettent, que Rome devrait, ou pourrait, appartenir aux papes, ses anciens maîtres légitimes ; il y a ceux qui soutiennent qu’en un certain sens une pareille ville appartient au monde et non pas à un État particulier, ni à un municipe, siégeât-il au Capitole. Par une contradiction curieuse les premiers qui ont élevé ces clameurs n’étaient pas les adversaires de l’ordre politique. Ils avaient applaudi à la chute du pouvoir temporel des papes, à l’unité italienne, à Rome capitale. C’est de Munich que Gregorovius jeta le cri d’alarme et lança les vives objurgations que répétèrent les journaux allemands, sous ce titre fatidique : « La destruction de Rome » : Die Vernichtung Roms. Gregorovius, dont notre Ampère a si bien aidé jadis les heureux commencemens, avait bien mérité de Rome, cela est certain, par sa remarquable histoire de la Ville éternelle pendant le moyen âge. Une traduction italienne a popularisé ce livre au-delà des Alpes et, — quelques circonstances y aidant, — l’auteur s’était vu décerner au Capitole le titre de citoyen romain. Il avait donc assurément qualité pour élever la voix au nom de sa ville, s’il a eu lieu de croire qu’on lui fît injure. De Dresde, M. Hermann Grimm a fait écho. Auteur d’une vie de Michel-Ange bien étudiée et spirituellement écrite, M. Hermann Grimm a longtemps habité l’Italie et se réclame du droit de tout étranger d’apprécier et de contrôler devant le public européen ce qui se fait à Rome. Les appels de ces deux critiques ont suscité de nouvelles doléances et des réponses en sens divers, soit en Allemagne, soit en Italie. Il s’en est suivi une polémique digne d’attention, non pas seulement pour le talent de quelques-uns de ceux qui y ont pris part, mais pour l’importance du débat. Il s’agit en effet d’une nouvelle transformation de Rome après celles dont elle a déjà donné le spectacle au monde.