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demi par an. Sans doute, cette somme de sacrifices pourrait être réduite dans une certaine proportion, parce que chaque année la mort fait des vides parmi les enfans venus au monde ; et surtout parce que cette allocation de 50 centimes par jour pour chaque enfant vivant excédant le chiffre de deux par ménage ne paraîtrait pas suffisante pour pousser la plupart des familles à une très large fécondité. Quant à réserver des subventions de ce genre ou même à les grossir pour chaque septième ou sixième ou cinquième enfant vivant, le résultat serait insignifiant. C’est surtout la naissance du troisième enfant, beaucoup plus que celle du cinquième, du sixième et du septième, qu’il faudrait provoquer.

Dans un pays d’aussi large et vieille aisance que la France, ce système de subventions, tout en étant très lourd pour les finances publiques, serait inefficace et imposerait à l’Etat une responsabilité morale qu’un gouvernement raisonnable ne doit pas assumer.

L’idée de confisquer, par des droits excessifs, une partie de la fortune des gens qui meurent sans enfans ou avec un seul ou deux enfans ne paraît pas davantage acceptable. Nos droits de succession, très élevés sur les héritages collatéraux ou entre étrangers, représentent à peu près la taxe maxima que l’on puisse imposer, sans susciter de colossales dissimulations. Nul ménage n’aura un second ou un troisième enfant, en supposant que cela dépende de sa volonté, uniquement pour que le droit dont sera frappé sa succession ne soit pas doublé ou triplé, ou même quadruplé. L’expérience, tout actuelle, de l’Angleterre où les droits de succession sont excessifs depuis 1894, allant, même en ligne directe, à 3, 4, ou 6 pour 100 pour les successions moyennes, et à 7 ou 8 pour les successions colossales, celles au-dessus de 12 et demi et de 25 millions de francs, est loin d’encourager à des droits successoraux très élevés. Le rapport des commissaires du revenu intérieur (Inland Revenue) pour l’exercice 1896-97 témoigne que ces droits draconiens n’atteignent pas le but visé. Dans ces dernières années, les valeurs successorales ont considérablement baissé en Angleterre à cause de l’exagération des droits ; on estime la fraude à un chiffre qui peut varier de 600 millions à 1 milliard par an.

Les taxations ayant le caractère de châtiment doivent donc être évitées. Au contraire, il ne serait qu’équitable détenir compte des charges de famille dans l’impôt mobilier, c’est-à-dire la taxe sur l’habitation ; on pourrait la réduire de 10 pour 100 par enfant