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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 145.djvu/326

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des dieux, car Dieu est amour et, si nous aimions comme il aime, nous serions semblables à lui. »

Cette idée de la toute-puissance de l’amour l’a toujours hanté. « Par l’amour, et par l’amour seulement, peuvent être accomplies les grandes œuvres qui ne se bornent pas à abattre, mais qui créent : l’amour, et l’amour seul, est vraiment constructeur en art. » Elle sait comment il comprit l’amour de la femme, celle à qui fut dédié le poème des sources : My Springs.


Au cœur des montagnes de la vie, je connais — Deux sources qui d’un Ilot incessant — Versent sans relâche leurs ondes brillantes — Dans le lointain lac des rêves de mon âme. — Pas plus grandes que deux beaux yeux, elles gisent — Sous le ciel changeant — Et reflètent tout ce qui est de la vie et du temps — Sereine et fine pantomime.

Illuminées d’étoiles caressantes et d’aurores, — Ombragées de fougères, — Ainsi le ciel et la terre sanctifient à l’envi l’un de l’autre — Leurs cris tallines profondeurs.

Toujours, quand la forme de l’Amour — Disparaît derrière les tempêtes déchaînées, — Je contemple mes deux sources et j’y vois — L’amour dans sa vérité.

Toujours quand la foi, — Sous le coup de la douleur, expire dans une trop grande amertume, — Je regarde mes deux sources et j’y retrouve — Une foi au sourire immortel.

Toujours, quand la charité et l’espérance — Condamnées aux ténèbres, y marchent à tâtons, — Je reviens à mes deux sources et j’y vois — Cette lumière qui rend libres les prisonniers.

Toujours, quand l’Art d’une aile capricieuse — S’enfuit où je ne l’entends plus chanter, — Mon œil plonge dans mes deux sources et j’y découvre — Un charme qui me le ramène.

Lorsque le travail faiblit, lorsque la gloire me manque de parole — Et que la timide récompense se refuse, — J’ai recours à mes deux sources, — Et le ciel redevient accessible.

O amour, ô femme, ce sont tes yeux. — Du gris lumineux de ces sources — Coulent les ruisseaux — Qui nourrissent le lac de mes rêves et de ma vie. — Si grands, si purs, si passionnés, — Si pleins d’honneur et de sagesse, — Doux comme un souffle d’expirante violette, — Bien qu’intrépides devant la mort.

Remplis comme un colombier l’est de blondes colombes — De tous les amours d’épouse et de mère, — Amour des pauvres, amour du foyer, amour de la plus haute gloire, — Amour de savoir et d’entendre,

Amour pour tout ce que Dieu et l’homme — Dans l’art et dans la nature ont créé, — Amour féminin des dentelles légères, — Amour des broderies et des grâces souples, — Amour des bijoux, de toutes les petites choses — Qui composent le cercle de la large vie.

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Chers yeux, chers yeux, douceur si rarement complète — À la fois du